Le béton, ça peut avoir du bon sur la pollution. La preuve à Vanves, rue Jean Bleuzen, où le conseil général des Hauts-de-Seine teste un revêtement de chaussée dépolluant obtenu à partir du nouveau ciment à effet photocatalytique TX Aria de Ciments Calcia (groupe Italcementi). « Le matériau actif est une poudre de dioxyde de titane que nous mélangeons au ciment », indique Olivier Fourcault, chef de projet au service Innovation de Ciments Calcia. Activé par les rayons ultra-violets présents dans la lumière naturelle ou artificielle (cas des tunnels), cet additif a la propriété de « casser » les molécules d’oxydes d’azote (NOx) et de certains composés organiques volatils (COV) présents dans les gaz d’échappement. Les premiers sont dégradés en d’inoffensifs nitrates de calcium tandis que les seconds, benzène et toluène en tête, se transforment en eau et en très faibles quantités de dioxyde de carbone.
L’effet est d’autant plus intéressant qu’il dure autant que le béton sur la chaussée. En tant que catalyseur, le dioxyde de titane n’est en effet ni consommé ni altéré par la réaction d’oxydo-réduction conduisant à l’élimination des polluants : il ne fait qu’y participer. In fine, les NOx se retrouvent piégés à 90 % par la base cimentaire, le reste étant éliminé par les eaux de pluie.
Efficacité variable. L’efficacité du processus n’est toutefois pas totale et dépend de la ventilation, de la concentration en polluants, des conditions de température, de l’hygrométrie, etc. « Il n’est pas nécessaire d’avoir un soleil radieux, cela fonctionne aussi par temps nuageux et même sous la pluie », insiste Olivier Fourcault. Autant d’éléments qu’il est malgré tout important de vérifier sur le terrain avant un éventuel déploiement à grande échelle dans le pays. Démarrée en janvier dernier sous le contrôle de la direction régionale de l’équipement d’Ile-de-France, et plus précisément du laboratoire régional de l’ouest parisien (LROP de Trappes, Yvelines), l’expérience de Vanves va durer douze mois.
Le site retenu est une rue ensoleillée mais encaissée, empruntée chaque jour par 13 000 véhicules, en dehors des week-ends et des vacances scolaires. Profitant d’un programme de restructuration de la voirie, le conseil général a chargé Screg-Colas d’y construire 600 mètres de chaussée nouvelle, la moitié en béton dépolluant et l’autre en béton classique. Sur la zone dépolluante, non seulement la chaussée mais aussi le trottoir et les bordures ont été réalisés avec le ciment TX Aria. Chaque fois, les structures sont de type bi-couche avec une composition classique en dessous et le matériau actif en surface, sur quelques centimètres d’épaisseur. Au total, 400 m3 de béton de ciment mince collé auront été mis en œuvre.
En mortiers et enduits aussi. Réalisées quotidiennement, les comparaisons entre les relevés de la qualité de l’air et de l’eau de ruissellement sur les zones test et témoin permettent de mesurer précisément l’action photocatalytique du béton en fonction de la circulation et des conditions climatiques. « Pour la zone traitée, le cahier des charges prévoit un abattement de 20 % minimum sur le taux de NOx. Nous n’avons pas de chiffres mais nous pensons que nous serons largement au-delà », prévoit Olivier Fourcault. L’action sur les COV, « pas autant dans le collimateur que les NOx au plan de la santé », n’a pas été intégrée dans le protocole de test.
Déjà testé en Italie, dans les provinces de Milan et de Bergame notamment, le ciment au dioxyde de titane y a montré une capacité de réduction des taux d’oxydes d’azote de 60 % pendant les pics de pollution et de 20 % en temps normal. « C’est quand on en a le plus besoin, lors des embouteillages du matin et du soir, que l’effet dépolluant est le plus marqué », souligne Olivier Fourcault.
Efficace tant en mode vertical (murs, glissières…) qu’horizontal (dallages, terre-pleins…), le TX Aria n’est pas réservé au béton. Son fabricant le décline déjà en mortiers (TX Rénocolor) et enduits (TX Rénocal). Des produits auxquels l’ajout de dioxyde de titane n’enlève rien en termes de propriétés physiques et mécaniques. De type CEM I 52,5 N CE, le TX Aria s’utilise d’ailleurs de façon tout à fait conventionnelle. Reste le prix, légèrement plus élevé que celui d’un ciment basique. Rapporté au niveau du poste béton, le surcoût serait de l’ordre de 3 à 4 %.
