Lors de la présentation de la nouvelle Stratégie nationale pour l’architecture (SNA) par la ministre de la Culture, Rachida Dati, le 4 février 2025 à Paris (Ier), la foule d’invités était aussi muette avant qu’après le discours. Le signe de l’immense attente du secteur, dix ans après la première SNA ? Un indice de sa relative déception ? Les réactions officielles ne tarderont pas (à lire ici). Quant à celles officieuses entendues dans le salon d’honneur de la rue de Valois, elles sont plutôt sarcastiques. « Génial ! », ironise une personnalité de premier plan. « Plat ! », résume une architecte de renommée internationale.
L’actualisation de cette SNA liste en effet une multitude d’intentions, généralement partagée par les professionnels. Elle ne livre, en revanche, que peu de détails sur le calendrier de mise en œuvre ou les moyens mobilisés.
« 21 appartements démonstrateurs pour penser le logement de demain »
La réhabilitation ? Sujet désormais incontournable chez les maîtres d’œuvre, et qui fait débat entre les partisans d’une inscription dans la loi sur l’architecture de 1977 et ceux soutenant la promulgation d’un décret, n’a fait l’objet que d’un tout petit paragraphe dans le texte prononcé par Rachida Dati. « Est-ce qu’il est acceptable aujourd’hui, alors que la réhabilitation devient un secteur dominant, qu’une partie des opérations soient réalisées sans la compétence professionnelle d’un architecte ? Ça devrait être une évidence ! » Elle conduira sur le sujet « une réflexion, en interministériel », sans préciser de date.
Le logement ? Préoccupation majeure de l’ensemble du secteur de la construction avec une production nationale au plus bas, la ministre de la Culture l’évoque au travers du lancement d’une nouvelle édition des Archi-Folies. Après les pavillons de fédérations sportives bâties pour les JOP de Paris 2024, les étudiants en architecture et leurs enseignants seront invités à concevoir et réaliser « 21 appartements démonstrateurs pour penser le logement de demain », indique Rachida Dati. Le calendrier n’est, une fois encore, pas précisé, mais cette opération fait partie des 30 mesures figurant dans le plan pluriannuel de la SNA, qui s’échelonne de 2025 à 2029.
« Augmentation de 20% des étudiants dans les Ensa d’ici 10 ans »
Les étudiants en architecture ? Ils sont 20000 à être formés chaque année dans les écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa). « Ce nombre n’est pas satisfaisant, estime Rachida Dati. Il n’est pas satisfaisant parce qu’il est insuffisant au regard des besoins, mais aussi parce que ce n’est pas la demande qui manque ! L’objectif que je donne aujourd’hui, c’est une augmentation de 20% sur dix ans. Et c’est possible ! Cela implique notamment des projets d’extension des écoles existantes ou le développement d’antennes, en particulier dans les régions qui n’ont pas d’école d’architecture. Je suis prête à considérer ces hypothèses. » La ministre de la Culture a également demandé aux Ensa de développer la formation en alternance, avec pour ambition l’accueil de « 20% d’étudiants issus de filières professionnelles ou technologiques à l’horizon de 5 ans ».
Enfin, les territoires ? « J’ai bien conscience, explique Rachida Dati, que l’aménagement du territoire et la prise en compte des enjeux architecturaux, patrimoniaux et urbains, peuvent être une source de complexité. C’est pour cela que l’État a su s’entourer de professionnels capables de mettre leur expertise au service des porteurs de projet. Cette expertise et cette capacité de conseil, on la retrouve notamment chez nos architectes-conseils de l’État qui, en plus de leur activité privée, consacrent une quarantaine de jours par an à soutenir nos services publics sur ces sujets. C’est un atout, et j’ai souhaité justement que le nombre de vacations soit multiplié par deux, pour que les territoires qui en ont le plus besoin puissent bénéficier de leur aide. »
Sept autres mesures à retenir :
- Une réforme de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (Miqcp) sera engagée dès 2025 pour renforcer le soutien et l’accompagnement de l’État en matière de formation, d’ingénierie et de soutien technique à destination des élus locaux et des associations qui ont besoin de conseils dans leurs maîtrises d’ouvrage ;
- La création, dès le 1er mars 2025, d’une nouvelle école nationale supérieure d’architecture dans l’île de la Réunion (déjà publiée au Journal officiel), afin de mieux recouvrir les besoins architecturaux des outre-mer, et qui sera notamment en mesure d’agir au plus près des besoins de reconstruction à Mayotte ;
- Le lancement d’une formation post-master portée par le réseau scientifique et pédagogique « Perspectives rurales », via l’école nationale supérieure d’architecture de Clermont-Ferrand, qui permettra de lutter contre les déserts architecturaux en incitant et en préparant les jeunes architectes à s’installer en milieu rural ;
- La révision des textes réglementaires des Ensa afin d’alléger le rythme des études et renforcer les expériences professionnelles des étudiants pendant leur scolarité ;
- Le renforcement des contenus pédagogiques en lien avec l’architecture au sein de l’offre du pass Culture et le développement de ressources numériques en la matière ;
- Le financement par le ministère de la Culture et à horizon 5 ans de 100 contrats doctoraux supplémentaires relatifs à la transformation des bâtiments existants et des territoires pour répondre à l’enjeu de transition écologique ;
- La création dès 2025 d’un comité interministériel pour l’architecture.