Dressée comme un panneau indicateur au centre d’un rond-point de Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, la « Chaufferie avec cheminée », œuvre du plasticien Jean Dubuffet, signale désormais l’emplacement du nouveau Mac/Val (musée d’art contemporain du Val-de-Marne). Conçu par l’architecte Jacques Ripault, ce musée ouvre aujourd’hui ses portes pour proposer au public la collection d’œuvres constituée depuis plusieurs décennies par le conseil général du Val-de-Marne. Un projet mûri… depuis 1982.
Afin de permettre au plus grand nombre de côtoyer l’univers de l’art contemporain, la dimension pédagogique du programme et l’insertion urbaine du bâtiment dans cette banlieue populaire ont été particulièrement travaillées.
Un plan inspiré par l’urbanisme romain. « Le musée est un lieu de culte à vocation païenne, explique Jacques Ripault. Tout s’y ramène au regard, à la contemplation, au retour sur soi par l’intercession des œuvres d’art ». De fait, l’équipement est installé comme une église, au centre-ville, tirant parti du rond-point existant comme d’un parvis, en l’étirant par une esplanade qui s’engouffre dans les failles du bâtiment.
Mais la monumentalité s’arrête là. Vitry-sur-Seine, détentrice d’une longue tradition d’accueil pour des artistes du monde entier, souhaitait insérer sa collection dans le maillage de la vie locale. Aussi, pour trouver la forme architecturale la mieux adaptée, l’architecte s’est inspiré de l’organisation urbaine en cardo et decumanus issue de l’Antiquité romaine: un système de distribution par croisement perpendiculaire de deux voies principales.
Du nord au sud, le cardo se concrétise par une allée qui relie le parvis et le jardin des sculptures, en franchissant le hall d’entrée pour étirer la promenade artistique jusqu’en fond de parcelle. D’est en ouest, le decumanus est matérialisé par une longue galerie vitrée qui distribue le bâtiment, à l’image du déambulatoire d’un monastère : un espace intermédiaire entre ville et musée, réalité urbaine et imaginaire artistique. De plain-pied avec l’espace public extérieur, l’univers muséal est ainsi accessible avec un minimum d’effort.
Coquilles opaques. La « chair » de l’édifice mélange le béton et le verre, un binôme de matériaux dont l’architecte se dit un utilisateur convaincu. Pour obtenir un béton à l’aspect le plus monolithique possible, son choix s’est porté sur un béton autoplaçant qui limite les reprises de coulage. Sa fluidité autorise également la réalisation en une seule passe de voiles de 8 mètres de hauteur (contre 4 mètres avec un béton traditionnel). « Pendant les terrassements, des morceaux de voile, en infrastructure souterraine, ont servi de témoin pour vérifier et régler la teinte blanc cassé de tout le bâtiment, la tonalité pouvant varier en fonction du sable utilisé », précise Giovanna Comana, chef de projet, avec Corinne Curk, de l’agence Ripault. Dans cette conversation quasi exclusive entre béton et verre, les grands vitrages du hall (2 m x 4,90 m) sont assemblés par des joints en silicone pour éliminer les rythmes secondaires des menuiseries verticales.
Ouverture sur l’espace public, d’un côté ; recueillement et intimité nécessaire à la contemplation des œuvres, de l’autre. Pour nouer ce dialogue, l’architecte offre à la fois la transparence d’une longue galerie de distribution et l’opacité de deux grandes salles d’exposition. Conçues comme des coquilles fermées destinées à mieux focaliser le regard sur les œuvres, ces salles sont ceinturées de murs périphériques en béton de 1,50 mètre d’épaisseur qui contiennent les gaines de ventilation.
La lumière descend des plafonds striés de sheds qui travaillent également en poutres (2,80 mètres de haut). Des portées de 28 mètres, sans appui intermédiaire, permettent une souplesse d’utilisation maximale de l’espace. Un détail particulièrement important pour les plasticiens contemporains aux œuvres souvent grandes consommatrices d’espace.

