Travaux publics : conditions de mise en œuvre du référé « mesures utiles »

Dans un arrêt du 2 octobre 2013, le Conseil d’Etat rappelle les conditions de mise en œuvre du référé « mesures utiles » (ou référé conservatoire). Cette procédure d’urgence permet, sur simple requête et en l’absence de décision préalable, de demander au juge d’ordonner toute mesure utile destinée à sauvegarder les droits des parties ou l’intérêt général.

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Référé

Dans le cadre du référé conservatoire (art. L. 521-3 du Code de justice administrative), le juge peut enjoindre à une personne publique de prendre des mesures, à condition qu’elles soient utiles, provisoires, justifiées par l’urgence, ne se heurtant à aucune contestation sérieuse et n’empêchant pas l’exécution d’une décision administrative. L’utilisation de ce référé se limite à de rares hypothèses parmi lesquelles figure celle des dommages liés à un ouvrage ou à des travaux publics (CE, 18 juillet 2006, n° 283474). A l’occasion d’une affaire portant sur un tel litige, le Conseil d’Etat précise certaines conditions du référé conservatoire dans un arrêt du 2 octobre 2013.

Une société a formé un référé « mesures utiles » tendant à enjoindre à une collectivité de faire des travaux de confortement de rues afin d’éviter un éboulement de ces voies situées au-dessus de son terrain. Le tribunal administratif a rejeté sa demande aux motifs que les mesures demandées n’étaient pas provisoires au regard de la lourdeur et du coût liés à leur réalisation ; que leur prononcé revenait à contredire la décision de la collectivité de ne pas passer un marché public en vue de la réalisation de ces travaux ; et que leur urgence n’était pas établie. Le Conseil d’Etat contredit le tribunal sur les deux premiers points.

Souplesse dans l’appréciation de certaines conditions

Pour commencer, le Conseil d’Etat rappelle que « pour prévenir ou faire cesser un dommage dont l'imputabilité à des travaux publics ou à un ouvrage public ne se heurte à aucune contestation sérieuse, le juge des référés peut enjoindre au responsable du dommage de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou mettre un terme aux dangers immédiats présentés par l'état de l'immeuble ». Mais il souligne que le juge de l’urgence ne pouvait pas s’appuyer sur « l'importance et le coût prévisible des mesures [pour] leur dénier un caractère conservatoire ».

Puis, la haute juridiction élargit la catégorie des décisions administratives qui ne font pas obstacle à la mise en œuvre du référé « mesures utiles ». « [La] décision [de ne pas donner suite à la procédure de passation d'un marché public de travaux de confortement des voies] ne saurait, compte tenu de sa portée, faire obstacle à la mise en œuvre de la procédure prévue à l'article L. 521-3 du CJA, en particulier dans l'hypothèse où les mesures sollicitées tendent à prévenir ou faire cesser un péril qui trouve sa cause dans l'action ou la carence de l'autorité publique. » Elle en avait d’ailleurs jugé ainsi pour la décision administrative implicite de rejet d’une demande de réaliser des travaux (CE, 18 juillet 2006, n° 283474, précité).

L’urgence appréciée souverainement

Mais concernant la condition de l’urgence, le Conseil d’Etat se retranche derrière l’interprétation souveraine du tribunal administratif pour finalement débouter la société. « En estimant que le risque d'éboulement des voies publiques situées au-dessus du terrain de la [société] […], allégué par celle-ci, n'était pas établi à la date de son ordonnance et qu'ainsi la condition d'urgence […] n'était pas remplie, le juge des référés a porté sur les faits de l'espèce et sur les pièces du dossier qui lui était soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation. » Et a conclu que ce motif « justifiait légalement, à lui seul, le rejet de la demande présentée [...]. En outre, le juge des référés, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments de la demande ni d'expliciter davantage les raisons pour lesquelles il estimait que les conditions posées par l'article L. 521-3 n'étaient pas remplies, a suffisamment motivé son ordonnance ».

Pour consulter l’arrêt du Conseil d’Etat du 2 octobre 2013, n° 366590, cliquez ici

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