La loi Alur, la loi sur l’accessibilité, le compte pénibilité… Si des évaluations avaient pu être mieux faites en amont sur ces textes, il y aurait peut-être eu moins de complications. « Il est facile aujourd’hui de faire un test PME, assure la députée Laure de la Raudière (UMP, Eure-et-Loire), présidente de la mission d’information sur la simplification législative de l’Assemblée nationale. Il s’agit par exemple de voir comment une PME du bâtiment réagit à telle ou telle mesure. Nous avons les moyens d’expertise en nous appuyant sur le Conseil de la simplification pour les entreprises ».
Tests entreprises
La mission présentait ce mercredi 8 octobre, par la voix du député Régis Juanico (SRC, Loire), son rapport, adopté la veille à l’unanimité par ses membres. Le rapport propose quinze pistes pour améliorer la « fabrique de la loi » et lutter contre l’inflation normative, devenue selon le rapporteur « une menace pour la démocratie ». La première vise à enrichir le contenu des études d’impact qui accompagnent les projets de textes législatifs. L’un des moyens d’y arriver, selon le rapport, serait de rendre obligatoire la réalisation de « tests entreprises » (pas seulement PME), mais aussi de tests « collectivités territoriales » et de « tests usagers de l’administration » pour mieux écouter les remarques en amont des textes législatifs. « La mission estime qu’il n’y a pas lieu de réserver cette démarche d’évaluation aujourd’hui facultative aux seuls projets d’actes réglementaires » (issus du gouvernement), justifie le rapport.
Expérimentations
Autre proposition : développer le recours à l’expérimentation avant la généralisation de certains dispositifs législatifs. Il s’agit là d’évaluer la qualité opérationnelle d’une législation « dans un cadre spatial et temporel circonscrit, avant d’en envisager la pérennisation et l’extension à l’ensemble du territoire ». Cela permet d’optimiser la sécurité juridique tout en affinant l’évaluation de l’impact de la norme expérimentée. Et peut conduire à abandonner un dispositif qui ne donnerait pas satisfaction. « Il est délicat d’attendre les résultats d’une expérimentation. Cela est très frustrant du point de vue du temps politique, a reconnu Régis Juanico, mais c’est un très bon outil opérationnel sur le moyen terme qui permet de ne pas commettre d’erreur. Il serait intéressant de le développer ».
Globalement, le rapport préconise d’améliorer la fabrication de la loi à chacune des phases de production. En amont, lors de la préparation de la norme, il s’agirait d’améliorer les études d’impact (dans leur contenu, en les soumettant à des regards extérieurs indépendants). Outre les projets de loi (d'origine gouvernementale), les propositions de loi (d'origine parlementaire) et les ordonnances devraient être accompagnées d’études d’impact. En cours d’élaboration, le rapport suggère de revoir la façon de travailler du Parlement en obligeant par exemple le gouvernement à déposer ses amendements dans un certain délai en amont des discussions. Une fois la loi votée, il faudrait prévoir une évaluation ex post plus méthodique, et développer des clauses de révision qui amènerait le Parlement à se pencher sur l’efficacité d’un texte quelques années après son adoption.
Mises en œuvre
Assistant à la présentation du rapport, le secrétaire d’Etat à la Réforme de l’Etat et à la Simplification, Thierry Mandon, a salué le travail de la mission d’information sur la simplification législative. « Les enjeux autour de cette réforme sont nombreux et stratégiques. La nécessité de construire et voter des textes plus clairs, plus lisibles, plus efficaces dans leur mise en œuvre - grâce notamment à des études d’impact de meilleure qualité et à une contre-expertise indépendante de celles-ci - et la mise en place de relations plus collaboratives entre l'exécutif et le Parlement ainsi que le renforcement des outils d’évaluation, constituent les principales innovations de ce rapport. Derrière l'amélioration de la fabrique de la loi, c'est également le renforcement des pouvoirs du Parlement qui se joue au moment où doit s’inventer le Parlement du non-cumul des mandats », a-t-il fait savoir par le biais d’un communiqué.
Le rapport trouvera un premier écho très prochainement. Le matin même, le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a annoncé qu’il présenterait au mois de novembre une proposition de résolution visant à modifier le règlement de l’Assemblée nationale en reprenant trois pistes évoquées par le rapport : obligation de préciser les charges administratives créées par le projet de texte et celles qui seraient supprimées en contreparties (application du principe : une charge supprimée pour une charge créée) ; contre-expertise par une autorité administrative indépendante des études d’impact ; publicité des avis du Conseil d’Etat sur les projets de loi (aujourd’hui connus du seul gouvernement). Certaines des autres propositions seront peut-être plus difficiles à mettre en œuvre puisque nécessitant des modifications par le biais... d’une loi, voire de la Constitution elle-même, toujours compliqué.