Si son tablier ne présente pas de réelle difficulté - un monocaisson poussé - , le viaduc de la Grenette, dans la Drôme, concentre en revanche sur 950 m une succession étonnante de contraintes géologiques. D'autant plus étonnante, compliquée à traiter, et coûteuse, qu'elle n'avait pas été identifiée avant le démarrage du chantier. En conséquence, c'est seulement au cours des premiers terrassements que la conception des fondations des dix-huit piles a dû être révisée.
« La grande difficulté de cet ouvrage touche effectivement aux piles, déclare Patrick Charlon, directeur du chantier de Quillery. Chacune est appréhendée différemment, pour un viaduc qui innove aussi sur trois points : la hauteur des piles (60 m), la longueur des portées pour un pont poussé (53 m), et la précontrainte de continuité extérieure au béton, qui est une première pour un ouvrage ferroviaire. » Point commun : la structure des piles creuses (B32) au-dessus du sol. Chaque semelle supporte une embase prismatique en béton coloré ocre dans la masse, sablé, et rayée horizontalement par des listelles de 15 cm. Les dix-huit embases définissent dans le vallon de la Grenette une ligne parfaitement horizontale, surmontée des fûts de pile en béton gris, dont la hauteur diminue du sud vers le nord en suivant une pente de 1,85 %. Chaque fût, dont la section dessine un oblong, est bétonné par levées de 3,92 m, entre un chevêtre de transition en tête d'embase, et un chevêtre de tête, dans lequel il est noyé, et qui porte les appareils d'appui.
Des problèmes complexes de fondations
« Du point de vue des fondations, la moitié des piles a connu des problèmes, estime Patrick Charlon. Réalisés dans des conditions difficiles (pentes abruptes et végétation dense), les sondages par carottages ont dues être suivis de trois nouvelles campagnes, après la découverte, en terrassant, de failles très importantes, ou de diaclasses karstiques étendues et profondes - les hantises de l'entreprise ! » En effet, fortement sollicitée par l'action de l'eau, la roche calcaire se trouve complètement disloquée par endroits, et des failles dont la longueur peut atteindre 30 cm font cohabiter marnes, argiles et sables. Ainsi, pour réaliser un viaduc calculé au flambement - et pas au séisme - l'entreprise doit aller chercher le rocher en profondeur, ou forer des pieux qui travaillent par frottement, ou bien encore reconstituer un terrain suffisamment solide, en injectant un coulis ou en bétonnant des massifs armés sur 10 m de profondeur.
« Quatre cas particulièrement complexes méritent d'être signalés, précise Patrick Charlon. La pile P5 est fondée sur une faille qui traverse sa semelle dans son exacte diagonale. Nous avons réalisé une semelle de 2,80 m d'épaisseur, sur 2,20 m de béton de substitution, puis injecté le sous-sol sur 7,60 m grâce à des forages de 13 m. La pile P6 - la plus haute du viaduc - repose sur seize pieux (au lieu de six prévus initialement) de 1400 mm de diamètre et de 11 m de profondeur. Elle est entièrement dimensionnée au flambement, ce qui va au-delà du BAEL.
Des massifs en béton armé
Troisième problème : lors du décapage de surface des piles P11 et P12, des outils de forage ont disparu dans le terrain ! Au lieu de réaliser des pieux, nous nous sommes affranchis des multiples fissures du calcaire en créant deux énormes massifs en béton armé (250 kg/m3 de ciment, 60 kg/m3 d'armatures), capables de soutenir la semelle sur toute sa largeur, en descendant à 10 m, et capables par ailleurs de résister au fluage du terrain. »
A signaler aussi : la pile P16, fondée sur douze pieux de 32 m (2 m de diamètre) et un béton de substitution (« Le Moniteur » du 8 août 1997, page 7), qui a retardé le poussage du tablier de quatre mois.
FICHE TECHNIQUE
Maître d'ouvrage : SNCF LN5.
Maître d'oeuvre : SNCF division territoriale de la Drôme.
Architecte : Jean - Pierre Duval.
Entreprise : Quillery.
SCHEMA :
L'extrême diversité du sol et l'existence de failles a nécessité la révision complète des fondations.
PHOTO :
Le viaduc de la Grenette repose sur 18 piles bicolores- ocre et gris