Recyclage des fenêtres : des scénarios vertueux et une réalité complexe

Avec l’application de la REP au plus tard le 1er janvier 2023, c’est toute l’économie circulaire du secteur de la fenêtre qui est en jeu. Compliqué par de nombreuses contraintes, son recyclage tant attendu suscite aussi des initiatives innovantes. L’occasion de faire le point à mi-étape sur la valorisation des fenêtres, domaine où il reste encore beaucoup à faire.

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Billettes d’aluminium recyclées Hydro Circal 75 R

Quand on sait que seuls 3 % du verre plat déposés en déchetterie sont recyclés* par an sur les 8,4 millions disponibles**, la responsabilité élargie du producteur (REP), dispositif qui s’appliquera aux déchets du bâtiment le 1er janvier 2023 au plus tard, peut apparaître comme une bonne nouvelle. Pourtant, de nombreuses craintes subsistent quant aux modalités d’applications, les décrets n’étant pas encore publiés. Cela étant, le secteur de la fenêtre pourrait voir se développer une nouvelle économie vertueuse bénéfique pour la filière. Une conséquence observée par Nicole Perez, directrice marketing du groupe Hydro, qui trouve une réelle logique réglementaire dans l’arrivée de la REP : « Il y a eu d’abord le diagnostic énergétique du bâtiment, puis il y a eu la RE2020, qui permet de mesurer précisément le bilan carbone des bâtiments, pour arriver aujourd’hui à la REP, qui veut résorber les décharges sauvages et améliorer la récupération des matériaux. »

La collecte, la bête noire du secteur

En toute logique, la REP concerne donc aussi toute la filière de valorisation de la fenêtre, qui doit pour le coup dévoiler ses contraintes, ses obstacles comme à Salaise-sur-Sanne (Isère) depuis 2016 : « Nous arrivons à intégrer 30 % de calcin pré-consommateur dans certains produits, ce qui est notre maximum au vu des stocks. Nous voulons à présent aller chercher le calcin post-consommateur pour atteindre les 50 % d’ici 2030, d’où le projet Menrec », explique Sébastien Joly, dirigeant de l’entreprise. En ce sens, la REP pourrait augmenter les volumes de calcin post-consommateur et, par la même occasion, réduire l’impact environnemental de la fabrication du verre : « Le calcin entre en fusion à une température plus basse que le sable, ce qui permet, pour une tonne de calcin, de diminuer de 300 kg le rejet de CO2 et d’économiser 1,2 tonne de matières premières. » La sécurisation des volumes de matériaux recyclés est donc à la fois un enjeu écologique et économique pour la filière.

Le PVC, la course au volume

Sur ce point, le secteur de la fenêtre PVC peut compter sur des acteurs rigoureux. Veka Recyclage, filiale du groupe Veka, affirme par exemple intégrer 21 % de PVC recyclé dans ses profilés. L’entreprise Rehau annonce aussi, comme Veka, recycler toutes ses chutes de production. L’un des enjeux est à présent, comme pour le verre, d’aller chercher le PVC postconsommation qui, sur les fenêtres en fin de vie, représenterait entre 45 000 et 50 000 tonnes. Aujourd’hui, seulement 8 000 tonnes de PVC sont valorisées chaque année selon Veka, le reste étant ressources renouvelables gérées durablement. » Ainsi, trouver de la matière pourra s’avérer mission pressante, et ce pour des raisons aussi bénéfiques économiquement qu’écologiquement, comme le fait remarquer Sylvain Grandviennot : « Nous n’avons pas eu de rupture d’approvisionnement grâce à cette matière recyclée que nous contrôlons. Mais les volumes sont insuffisants, et nous allons chercher des chutes en Espagne et en Angleterre. »

L’éco-conception des produits sera aussi primordiale, puisque la recyclabilité des produits sera prise en compte. Et ici, Sylvain Grandviennot accueille la REP chaleureusement : « Si la REP met en place un circuit fermé, cela va pousser les fabricants et gammistes à travailler encore plus sur l’éco-conception et à intégrer du PVC recyclé. » Un cercle vertueux donc, mais qui a aussi un coût : « Les machines pour la co-extrusion sont coûteuses, ce qui implique d’intégrer du PVC recyclé sur des gammes avec des gros volumes de ventes », ajoute Sylvain Grandviennot. Pour l’instant, Veka a lancé une nouvelle ligne de profilés qui se compose de 100 % de PVC recyclé à coeur et 70 % dans les cadres. L’ambition du gammiste étant d’arriver à 35 % de PVC recyclé en 2030. Rehau, grâce à un partenariat avec Paprec, annonce vouloir intégrer 50 % de PVC recyclé dans ses profilés EcoPuls. Cependant, les fenêtres bois et aluminium ont aussi leurs initiatives et modèles économiques. Pour le bois, le groupe Millet a misé sur l’upcycling, et transforme les profilés des menuiseries bois en meubles. Selon Fabrice Gobin, ce service de reprise facturé aux entreprises qui déposent les menuiseries « permet d’être juste à l’équilibre financièrement ».

Un modèle économique à tâtons

Un exemple représentatif de la filière, comme l’explique Sébastien Joly, de Riou Glass : « Il y a dix ans, on ne savait pas recycler le verre plat. Maintenant, on le peut, mais il reste à trouver le bon modèle économique. » Même chose chez Menrec, qui cherche à tâtons le bon modèle pour faire marcher son service de collecte et démantèlement. En ce qui concerne l’aluminium, la question de la valorisation ne se pose pas au vu du prix du matériau, l’aluminium étant généralement revendu par les artisans. Mais elle se pose pour le recyclage de ses profilés aluminium. Le groupe Hydro est en avance sur ce point, comme l’explique Nicole Perez : « On arrive à produire des profilés avec de l’aluminium post-consommation Hydro Circal 75R, qui émet 2,3 kg de CO2, tandis que la moyenne européenne est de 6,7 kg de CO2. » Alors qu’il possède déjà des usines de recyclage d’aluminium au Luxembourg, en Espagne et en Angleterre, le groupe regarde à présent du côté de la France : « Pour l’instant rien n’est engagé, on observe le marché afin de s’y intégrer le mieux possible. » Il y a donc un réel intérêt économique pour le groupe Hydro de continuer à vendre ses produits à l’approche de la REP et de la RE2020. Mais, toujours selon Nicole Perez, cette démarche a un prix : « L’aluminium recyclé est plus cher, mais on pense qu’il va se démocratiser, comme le bio ! Et nous n’avons pas augmenté les prix pour cette raison. C’est une stratégie du groupe. » Avec une économie circulaire criblée de contraintes et encore peu développée, le secteur de la fenêtre a beaucoup de pain sur la planche. Et il s’inscrit dans une période marquée par l’inflation et l’incertitude, comme l’observe Ludivine Menez : « On est en pleine croissance, l’augmentation des prix pourrait pousser les clients à reporter les travaux. La pénurie des matériaux, le coût de l’énergie, du transport, le prix des containers, c’est dans cette conjoncture que va s’ajouter l’éco-taxe de la REP. » La goutte de trop ?

* Source Ademe

** Source UFME

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