Patrimoine Monuments historiques : desserrer les verrous pour mieux rénover

Quatre décrets du 22 juin 2009 réorganisent la maîtrise d’œuvre et la maîtrise d’ouvrage sur les monuments historiques. L’architecte des bâtiments de France perd son monopole sur les travaux de réparation pour les immeubles classés des collectivités locales. Désormais, les propriétaires, et notamment les communes, peuvent bénéficier d’une assistance à maîtrise d’ouvrage gratuite.

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Quatre décrets d’application de l’ordonnance 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés ont été publiés au « Journal officiel » du 23 juin 2009.

Nous analyserons ici les trois premiers (1), relatifs respectivement à l’assistance à maîtrise d’ouvrage des services de l’Etat chargés des monuments historiques (2009-748), à la maîtrise d’œuvre des ­immeubles classés au titre des ­monuments historiques (2009-749), et au contrôle scientifique et technique des services de l’Etat sur la conservation des monuments historiques classés ou inscrits (2009-750) (voir ce dernier en encadré, page suivante).

Assistance à maîtrise d’ouvrage gratuite possible pour les collectivités locales

Le décret 2009-748 du 22 juin 2009 prévoit la possibilité d’une ­assistance à maîtrise d’ouvrage gratuite si certaines conditions sont remplies. A défaut, seule une assistance à maîtrise d’ouvrage à titre onéreux est possible.

Conditions à remplir

L’ordonnance du 8 septembre 2005 précitée a réaffirmé que la maîtrise d’ouvrage de travaux visant à restaurer un monument revient à son propriétaire, et ne peut plus être exercée par l’Etat. Néanmoins, les petits propriétaires, notamment les petites communes, qui n’auront pas les moyens de l’assumer, pourront continuer à bénéficier de l’aide de l’Etat, sous la forme d’une assistance à maîtrise d’ouvrage gratuite. Celle-ci, exercée sous forme de conduite d’opération totale ou partielle, est possible en cas d’insuffisance des ressources du ­demandeur. S’il s’agit d’une ­collectivité territoriale ou d’un groupement, ces ­ressources s’apprécient au ­regard de son potentiel fiscal ­(défini à ­l’article L.2334-4 du Code général des collectivités ­territoriales), du ­nombre de ­monuments ­historiques répertoriés sur son territoire, et de tout autre élément matériel et économique significatif (article 2 du décret). S’il s’agit d’un établissement public, les ressources s’apprécient au regard des éléments relatifs à la situation financière de ­l’établissement.

L’assistance gratuite de l’Etat est également possible en cas de complexité de l’opération. Celle-ci s’apprécie, notamment, au vu des moyens dont dispose le propriétaire ou l’affectataire.

Assistance à titre onéreux

Dans l’hypothèse où les critères précités ne seraient pas remplis, il est proposé une assistance à maîtrise d’ouvrage à titre onéreux, dans la limite des moyens de l’Etat et lorsque la carence de l’offre publique ou privée aura été établie. Cette carence ne peut être établie, pour les personnes soumises au Code des marchés publics, qu’après mise en œuvre des procédures de publicité et de concurrence prévues par ce texte.

Dans tous les cas, la demande d’assistance doit être adressée au préfet de région par le propriétaire ou par l’affectataire domanial, par lettre motivée. Le préfet décide au cas par cas du contenu des missions d’assistance pouvant être assurées par l’Etat à titre gratuit ou à titre onéreux. Un contrat définit les modalités de la mission et son contenu. La rémunération des services de l’Etat est alors calculée sur la base d’un barème intégrant les coûts matériels et salariaux liés à l’opération, et la fraction des frais généraux imputables à cette dernière.

Avance financière

Le décret prévoit aussi la possibilité de faire bénéficier les propriétaires d’une avance financière. Celle-ci sera versée lors du commencement de chaque tranche de travaux de restauration, dans la limite de 30 % du montant prévisionnel de la subvention. Cette avance pourra atteindre 50 % du montant prévisionnel de la subvention si l’urgence des travaux est avérée. De même, les opérations financées par l’Etat dans le cadre du plan de relance 2009 pourront obtenir une avance de 50 % au démarrage des travaux.

Maîtrise d’œuvre des immeubles des collectivités locales classés au titre des monuments historiques

Le décret 2009-749 distingue les travaux de réparation, de restauration et les modifications. Il contient des dispositions générales relatives à la maîtrise d’œuvre.

Travaux de réparation

L’architecte des bâtiments de France n’est désormais compétent que pour les travaux de réparation sur les immeubles classés appartenant à l’Etat.

Pour les autres immeubles classés (cas de ceux appartenant aux collectivités territoriales), la maîtrise d’œuvre est confiée à un architecte titulaire du diplôme de spécialisation et d’approfondissement en architecture, mention « architecture et patrimoine », ou de tout autre diplôme reconnu de niveau équivalent.

Néanmoins, la maîtrise d’œuvre peut être aussi effectuée par l’architecte des bâtiments de France en cas de situation de péril ou en cas de carence de l’offre publique ou privée. Cette carence ne peut être établie, pour les personnes soumises au Code des marchés publics, qu’après mise en œuvre des procédures de publicité et de concurrence appropriées.

Travaux de restauration

Par ailleurs, l’architecte en chef des monuments historiques territorialement compétent assure la maîtrise d’œuvre des travaux de restauration des immeubles classés appartenant à l’Etat.

Pour les autres bâtiments, et notamment pour ceux appartenant aux collectivités locales, la maîtrise d’œuvre peut être assurée, soit par un architecte en chef des monuments historiques, soit par un architecte ressortissant d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen (et résidant dans l’un de ces Etats). Il appartient donc aux collectivités de procéder à une mise en concurrence du maître d’œuvre, en application des dispositions du Code des marchés publics.

L’architecte en chef des monuments historiques territorialement compétent assurera également la maîtrise d’œuvre des travaux sur les monuments historiques classés n’appartenant pas à l’Etat, lorsqu’aucun maître d’œuvre n’aura pu être retenu par le maître d’ouvrage. Dans ce cas, les personnes soumises au Code des marchés publics doivent, au préalable, avoir mis en œuvre les procédures de publicité et de concurrence appropriées, déclarées infructueuses en raison de l’absence d’offres ou du caractère inapproprié de ces offres.

Travaux de modification

Pour les travaux de modification, le décret fait une distinction entre les travaux neufs accessoires et les travaux neufs prépondérants. Dans le premier cas, la maîtrise d’œuvre est incluse dans la mission de l’architecte spécialisé retenu. Dans le second, les missions de maîtrise d’œuvre correspondant à ces travaux sont attribuées par le maître de l’ouvrage à un maître d’œuvre de son choix dans le respect des règles applicables. Les services de l’Etat définissent les contraintes architecturales et historiques à respecter, dès lors que les travaux « sont de nature à avoir un impact sur l’intérêt protégé de l’immeuble ».

Dispositions relatives à la maîtrise d’œuvre

Le décret 2009-749 contient des dispositions générales relatives à la maîtrise d’œuvre : définition de la mission, rémunération forfaitaire, stipulations… Le maître d’œuvre doit préciser, d’une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel des travaux, assorti d’un seuil de tolérance sur lequel il s’engage et, d’autre part, les conséquences des ­engagements souscrits (article 9).

En outre, les opérations de restauration doivent faire l’objet d’une évaluation lorsque l’ampleur de l’opération envisagée nécessite un aperçu général de l’état du bâtiment. Cette étude comprend, notamment, l’identification architecturale et historique du monument, son bilan sanitaire, ainsi qu’un diagnostic pour chaque opération. Celle-ci est complétée par d’autres expertises si l’importance et la complexité des travaux le justifient. Les opérations de restauration font également l’objet d’une mission de maîtrise d’œuvre dont le projet de programme, accompagné du diagnostic et, le cas échéant, de l’évaluation, est soumis pour observations au préfet de région.

Conditions d’application : études préalables inférieures à deux ou cinq ans

Pour les immeubles classés n’appartenant pas à l’Etat (et, notamment, ceux appartenant aux collectivités locales), les études préalables ayant été menées sous maîtrise d’ouvrage de l’Etat, ou ayant fait l’objet d’un arrêté de subvention, ou ayant été approuvées par les services de l’Etat moins de deux ans avant la publication du présent décret, peuvent donner lieu à une mission de maîtrise d’œuvre conformément aux textes en vigueur à la date de l’arrêté ou de l’approbation, et dans les deux ans suivant la publication du présent décret.

Pour ces mêmes immeubles, dès lors qu’une étude préalable réalisée ou approuvée moins de cinq ans avant la publication du présent décret se rattache directement à une opération financée par l’Etat en vertu de l’article 4 de la loi de finances rectificative du 4 février 2009, elle pourra être suivie d’une mission de maîtrise d’œuvre conformément aux textes en vigueur à la date de la réalisation ou de l’approbation de l’étude.

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