« Nous proposons l’organisation d’un Grenelle de la commande publique », Johann Froeliger, président du Syndicat de l’architecture

Nouvellement élu, l’architecte mulhousien va présider pour les trois prochaines années une organisation forte de 800 adhérents. Avec pour dossiers prioritaires la défense du concours dans la commande publique et la place de l’architecte dans le BIM.

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Johann Froeliger succède à Patrick Colombier pour un mandat de trois ans.

Le dernier congrès du Syndicat de l’architecture, tenu le 28 février dernier à Paris, a vu Johann Froeliger succéder à Patrick Colombier à la présidence de l’organisation. L’architecte mulhousien prend ses fonctions dans une période marquée notamment par le projet d’ordonnance transposant la directive européenne sur les marchés publics et la prochaine conclusion de la Stratégie nationale pour l’architecture voulue par la ministre de la Culture Fleur Pellerin. Tour d’horizon des priorités du syndicat.

Comment avez-vous accueilli l’initiative du ministère de la Culture de définition d’une Stratégie nationale pour l’architecture ?

Johann Froeliger : Nous nous sommes pleinement associés à cette réflexion, indispensable où la profession voit sa situation sociale fortement dégradée : aujourd’hui 25% des architectes gagnent moins de 10 000 euros par an, et 50% moins de 20 000 €. Au même moment, le projet d’ordonnance sur les marchés publics menace de fragiliser encore un peu plus la maîtrise d’œuvre en remettant en cause la garantie du concours... Il est indispensable d’avoir une réflexion globale sur tous ces sujets. Notre contribution à la Stratégie nationale pour l’architecture pose d’ailleurs en priorité la création d’une délégation interministérielle à l’architecture pour coordonner l’action des ministères de la Culture, de l’Economie et du Logement.

N’est-il pas temps pourtant de redéfinir les modalités de la commande publique ?

J. F. : Nous défendons le concours comme principe de référence de consultation pour les bâtiments neufs. Le contrat global tend à disqualifier l’apport de la maîtrise d’œuvre dans son ensemble: si l’on pense que l’architecture peut être faite par les entreprises générales, on se trompe. Ceci dit, nous constatons que le système actuel ne favorise plus assez le renouvellement des équipes et des réponses architecturales: le concours n’est intéressant que s’il est varié. Une évolution possible serait d’établir une première étape où un nombre élargi d’équipes pourrait remettre une esquisse, et non d’un APD ou APS (avant-projet détaillé et avant-projet sommaire, NDLR), esquisse qui serait rémunérée. Plus globalement nous proposons l’organisation d’un «Grenelle de la commande publique» qui serait l’occasion de repenser le système en profondeur et d’adapter les procédures en fonction des souhaits de la maîtrise d’ouvrage publique, dans le respect des missions de la maîtrise d’œuvre.

Votre syndicat demande également une réforme en profondeur du permis de construire. En quoi consisterait-elle ?

J. F. : Actuellement le permis de construire se réduit trop souvent à une vérification juridique et fiscale de la validité des projets. Nous entendons remettre la technique au cœur du processus en créant un dispositif en deux temps. D’abord un permis de projeter qui contiendrait les éléments graphiques et de calculs permettant d’apprécier la validité du projet au droit des sols (règles d’urbanisme) et au droit des tiers (volet paysager), ce qui raccourcirait les délais d’instruction. Ensuite un permis d’édifier qui permettrait d’apprécier plus en profondeur la conformité du projet aux différentes règles de la construction et de l’habitat.

Nous soutenons aussi la proposition du Conseil national de l’ordre des architectes que, pour les projets en dessous des seuils réglementaires, l’instruction par l’architecte vaille validation de principe. A l’heure de la simplification administrative et de la baisse des dotations, cela constituerait aussi une mesure positive pour notre profession.

Vous avez fait du BIM un dossier prioritaire pour la profession. Quels sont les enjeux ?

J. F. : Nous pensons tout d’abord que les architectes doivent rester au cœur de la démarche et qu’ils doivent être formés pour cela. L’effort est réel mais pas insurmontable: les architectes ont su prendre le virage de l’informatisation, et la plupart d’entre eux maîtrisent déjà le travail en 3D. L’enjeu est de ne pas transférer cette compétence en prestation externe: le BIM est un outil de modernisation de la maîtrise d’œuvre, il doit être inclus dans ses missions dès l’origine du projet. L’expérience de pays comme la Norvège ou l’Irlande est, de ce point de vue, très encourageante.

Un autre enjeu est la définition d’un standard européen, qui fait l’objet d’une discussion entre la Commission européenne et le Conseil des architectes d’Europe. Aujourd’hui, la situation est déséquilibrée avec une entreprise en position de force sur le marché et des fabricants européens de logiciels absents de la réflexion.

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