Le culte moderne de l'industrie immobilière dispose de sa grand-messe (le Mipim), de sa prélature et de ses officiants (commerciaux encostumés de sombre et vestales longilignes), de sa liturgie propre (keynotes, awards, speechs, conférences et cocktails déjeunatoires). Il dispose même de ses chapelles votives (les stands exposants), de ses confessionnaux (bulles d'intimité réservées aux speed dating confidentiels) et, bien sûr, de ses saintes reliques exposées sous châsses de plexiglas (des maquettes aux couleurs criardes, toujours plus grandes, toujours plus tape-à-l'oeil)…

Stratégie
Dans ce barnum où le démentiel rime avec l'événementiel, les architectes se faisaient jusque-là assez discrets, noyés qu'ils étaient sous l'opulente magnificence de l'immobilier mondialisé; le plus souvent réduits au rôle de faire-valoir, voire d'experts ès-cosmétique urbaine auprès des grands noms du secteur. Cette année au moins, "l'Architecture Café" leur aura donné un embryon de visibilité. Près de la gare maritime, à "l'accueil des croisiéristes", un espace - certes modeste - leur était dédié où prenaient place, entre autres, le Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa), l'association Architectes français à l'export (Afex) et les valeureux lauréats 2014 des Albums des jeunes architectes et paysagistes (Ajap) regroupés en un fringant collectif. Cela n'aura - hélas - pas suffi à faire venir la ministre de la Culture, Fleur Pellerin. Le déplacement ne figurait sans doute pas dans son agenda ni dans sa "Stratégie", même si le ministère était dignement représenté par Vincent Berjot, Agnès Vince, David Zivie et Francis Nordemann…

Bunker
Dans les allées du Palais, pas moins de 1600 architectes (selon les organisateurs; un peu moins selon nos estimations) frayaient à la recherche du maître d'ouvrage providentiel. Gloires passées et jeunes espoirs de la profession fraternisaient ici dans cet étouffant Bunker au décor inspiré des fastes de l'ancienne RDA. Gautrand, Wilmotte, les sœurs Mikou, Soler, Le Penhuel, AW2, etc. Ils étaient tous là et on se serait cru à la Biennale de Venise, gondoles en moins, yachts de grand luxe en plus. Mais fait-on vraiment de (bonnes) affaires à Cannes? Un habitué des lieux - "Dix ans de Mipim au compteur!", un de ces ubiquitaires croisé sur à peu près tous les stands, admet volontiers qu'il n'en est rien; mais qu'on y apprend "à réseauter, à se montrer, à se (re)connaître, à se flairer". C'est déjà ça.
Prochaine édition du 15 au 18 mars 2016.