«Le jugement rendu le 19 février par le tribunal administratif de Pau (1) va moraliser une profession qui commençait à être envahie par les mauvaises pratiques. Il fera jurisprudence », se réjouit Joseph-Emmanuel Caro, docteur en droit et président de la FFB 64. Accompagnée en justice par la fédération départementale, une entreprise de peinture a en effet obtenu 11 378 euros en indemnisation du manque à gagner résultant de son éviction d’un marché public. Elle contestait l’attribution irrégulière à une société espagnole d’un marché passé pour le compte de la chambre des métiers et de l’artisanat des Pyrénées-Atlantiques. En cause, le contenu du dossier de candidature de l’attributaire.
Une formalité substantielle
Le TA relève que le candidat espagnol n’a fourni aucun document permettant de connaître son numéro de TVA intracommunautaire. Cette pièce doit pourtant, selon l’, être produite avant l’attribution et tous les six mois jusqu’à la fin de l’exécution du marché. Les juges soulignent que l’information ainsi exigée a « pour objet, dans un secteur comme celui du bâtiment, de s’assurer aussi que les conditions de la concurrence sont légalement déterminées ». Le TA se prononce aussi sur la nécessité d’une traduction en français et certifiée conforme à l’original des pièces attestant de la régularité fiscale et sociale du candidat. Il souligne que cette traduction n’est pas une obligation générale (l’article 46 du Code énonçant que « le pouvoir adjudicateur peut exiger [une traduction] »). Mais lorsque l’acheteur public l’impose dans son règlement de consultation, comme c’était le cas en l’espèce, il est alors « censé ne pas disposer de connaissances linguistiques suffisantes pour apprécier la réalité d’une offre ou des attestations censées permettre d’en attendre la fiabilité voulue. » Par suite, cet acheteur, « s’il n’exige pas d’un candidat étranger le respect de cette obligation de traduction, méconnaît une formalité substantielle. » La demande d’annulation du marché est jugée tardive par le tribunal, qui accepte en revanche d’indemniser le concurrent évincé qui, « sans les irrégularités commises au bénéfice [de l’attributaire], avait des chances sérieuses d’obtenir le marché ».