Menuiserie aluminium : un marché contre vents et marées

Tensions sur les matières premières, hausse des coûts de transport, prix des énergies, indisponibilité des composants : la filière menuiserie aluminium tient coûte que coûte.

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Médaille d'argent MENUISERIE : Profilés aluminium FACTORY DESIGN (Profils Systemes)

Sur fond d’une guerre d’usure en Ukraine, les acteurs de la menuiserie aluminium voient avec inquiétude s’envoler les prix de l’énergie et avec eux la maîtrise d’une partie de leur destinée. Car les hausses affectent à la fois la production de leurs usines et les achats de matières premières. Concernant le premier point, les impacts sont variables selon le mode d’énergie utilisé et l’activité en jeu. Les fabricants de profilés sont sur ce point particulièrement touchés. « Les hausses de l’énergie représentent aujourd’hui entre 5 et 6 % de notre chiffre d’affaires », confie Aymeric Reinert, directeur général de Profils Systèmes. « En effet, nous devons chauffer l’aluminium pour le transformer avec des fours électriques, mais aussi avec des fours au gaz pour la ligne d’extrusion. Nous utilisons également des fours au gaz pour le laquage ». Chez les fabricants assembleurs, un process moins énergivore permet pour l’heure de contenir la part de l’énergie sur la production. Comme pour l’ensemble des professionnels, les hausses se font néanmoins ressentir sur la partie transport. « Dans le monde de la menuiserie, le coût du transport représente actuellement entre 6 et 8 % du résultat de l’entreprise. Chaque augmentation de 10 % du prix du gasoil se traduit par une perte de 0,8 % », souligne Jean-Marie Deslandes, directeur commercial AMCC/AT Partner.

Matières premières

Le deuxième effet des hausses tarifaires de l’énergie est une flambée du prix des matières premières. Ce mouvement  vient s’ajouter à l’inflation qui a accompagné la période post covid, marquée par d’importantes perturbations logistiques et une forte reprise du marché. « Dans le prix de l’aluminium, trois paramètres entrent en jeu : le cours du LME (1), qui oscille aujourd’hui autour de 3500 $ la tonne, mais pourrait atteindre 4500 $/t selon les experts ; la prime billette, qui correspond à la transformation de l’alumine en billettes ; et le taux d’échange dollar/euro qui n’est actuellement pas favorable. Parmi ces paramètres, la prime billette est très impactée par les prix du gaz et de l’électricité car la production d’aluminium primaire est très énergivore (2)», note Nicole Perez, directrice marketing du groupe Hydro et des marques Technal, Wicona et Sapa. Le bilan est lourd sur toute la chaîne. Certains gammistes ont vu le prix d’achat des billettes aluminium multiplié par plus de 2,5 depuis 18 mois. A l’échelle des fabricants assembleurs, les hausses sur les profilés ont atteint une moyenne de 50 % en l’espace de 2 ans.  Allant de 30 à 70 %, elles sont cependant très disparates selon les pays d’approvisionnement, l’énergie n’ayant pas le même coût suivant qu’elle est indexée sur le prix du gaz, du pétrole ou de l’électricité. Les augmentations touchent également les barrettes en polyamide nécessaires aux assemblages à rupture de pont thermique, l’ensemble des accessoires de quincaillerie et le vitrage.

Alerte sur le vitrage

Ce dernier point a de quoi inquiéter les fabricants. « Sur le seul mois d’avril, nos fournisseurs de double-vitrage ont annoncé des hausses de 18 à 24 %. Or le vitrage, c’est environ 20 % du prix de revient d’une menuiserie. On parle ici d’une hausse potentielle des menuiseries de l’ordre de 4 %, juste liée au vitrage », témoigne Jean-Marie Deslandes. Rognant sur une partie de leurs marges, la plupart des fabricants de menuiserie n’ont pas répercuté les premières hausses subies en 2021 auprès de leurs clients. Néanmoins, face à l’ampleur des mouvements inflationnistes, beaucoup ont été amenés à actualiser leurs tarifs en début d’année en augmentant leur prix de 3 à 7 %, et prévoient déjà plusieurs hausses courant 2022. « Malgré cette situation, le marché continue d’être dynamique et c’est tant mieux, mais on ne voit pas comment cela va durer dans le temps. Il y a un moment où cela va bloquer », s’alarme Nicole Perez.

L’autre difficulté à laquelle le secteur de la menuiserie aluminium doit faire face concerne l’approvisionnement en matières premières. Pour ce qui est de l’aluminium, tous les industriels ne sont cependant pas logés à la même enseigne. Si certains ne craignent pas la pénurie, la situation apparaît particulièrement compliquée pour les entreprises dépendant de productions russes. Dans le cas des barrettes en polyamide, les difficultés d’approvisionnement sont générales, conduisant à des quotas imposés et à des retards de livraison de 3 à 6 mois selon les fournisseurs. « Cela nous oblige à allonger nos délais de livraison. Là où nous étions à 2 semaines de temps d’attente, nous sommes aujourd’hui à entre 4 et 6 semaines et sur certaines références ponctuellement plus impactées – cela peut toucher aussi bien une gamme de porte, de coulissant ou de fenêtre à frappe – les délais peuvent atteindre 2 à 3 mois », constate Aymeric Reinert. N’arrivant pas à reconstituer l’ensemble de leurs stocks, les industriels misent sur l’accompagnement de leurs clients et la recherche de solutions de remplacement satisfaisantes.

V.P.

1 – Situé à Londres, le LME est le premier marché international de métaux non ferreux.

2 – Selon Aluminium France, la production d’une tonne d’aluminium primaire consomme environ 13,5 MWh d’énergie.

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