20 000 lieux sous les mers

Inspiré par Jules Verne, l'architecte Jacques Rougerie est l'auteur d'innombrables constructions qui plongent dans le monde du silence.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Maquette de bateau, hublot de maison sous-marine et dessin de projet de station océanique internationale entourent Jacques Rougerie sur sa péniche parisienne.

Douce, salée ou chlorée, l'eau suit le cours de la vie de Jacques Rougerie depuis 79 ans. « Môme », l'architecte rêve de « construire des cabanes sous les mers au lieu des arbres ». Adulte, mais « éternel adolescent » selon sa consœur Anne Démians, il réalise une quarantaine de piscines et centres aquatiques, explore les océans du globe à la rencontre des peuples de l'eau et travaille sur la Seine, à bord d'une péniche amarrée près de l'Assemblée nationale et sur laquelle il a garé sa voiture amphibie rouge.

C'est de là, du ponton de son navire, qu'il a assisté le 26 juillet au défilé fluvial de la cérémonie d'ouverture des JO de Paris 2024. Des jeux auxquels son agence Rougerie + Tangram a contribué. D'une part, dans le Val-d'Oise, en bâtissant le centre aquatique intercommunal de Taverny et Saint-Leu-la-Forêt. Et d'autre part, à Marseille, en transformant le stade nautique municipal du Roucas-Blanc en marina. « Œuvrer, comme nous le faisons beaucoup, sur le cordon littoral français, au bord de l'eau, est pour moi une passion », souligne l'architecte.

De l'aquarium Nausicaá à Boulogne-sur-Mer à l'écomusée Te Fare Natura en Polynésie, Jacques Rougerie a livré quantité d'édifices permettant à tous de découvrir l'environnement marin depuis la terre. Il a également inventé nombre de coques flottantes et immergées pour « emmener les gens dans [sa] bulle d'air sous l'eau ».

« C'est de l'océan et de l'espace que naîtra le destin des civilisations à venir. » Jacques Rougerie, architecte et membre de l'Institut de France

Maison sous-marine. Ses créations, nommées Aquaspace, Aquascope, Aquabulle, Seascope ou Sea Orbiter, sont aussi fantastiques que les romans d'aventures écrits par Jules Verne, dont son imaginaire s'abreuve. Il se nourrit également des travaux du commandant Jacques-Yves Cousteau, pionnier en matière de construction de maisons sous-marines, pour bâtir la sienne, Galathée, en 1977. Sur cette structure métallique, il installe de grands hublots concaves de plus de 2 m de diamètre qu'il compare à des « balcons sur le monde »… du silence.

En 2009, un an après être devenu « un petit homme vert », surnom qu'il donne affectueusement aux académiciens et à leur célèbre habit, Jacques Rougerie crée - avec l'Institut de France et le Prince Albert II de Monaco - la fondation qui porte son nom. Il souhaite à travers elle, notamment via un concours international, « motiver » les jeunes architectes, urbanistes et paysagistes à s'intéresser aux enjeux liés à la mer, au littoral et à la montée des eaux, en imaginant de nouveaux cadres de vie en rapport avec la nature. Car il en a la certitude : « C'est de l'océan et de l'espace [son autre passion, NDLR] que naîtra le destin des civilisations à venir. » Une phrase gravée sur son épée d'académicien, dont la silhouette évoque celle d'un animal marin.

« Le jour de ma mort, confie-t-il, par un système que j'ignore, mais que le fabricant et l'Institut de France connaissent, de l'eau de mer dans laquelle j'ai plongé s'en écoulera comme des larmes, révélant une seconde devise… » Et de sourire : « On est en plein dans l'eau, là ! »

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !