Les techniques de construction changent, des normes apparaissent (BBC, Bepos) et les métiers évoluent. Les économistes de la construction, composante de la maîtrise d'œuvre aux côtés des architectes et des bureaux d'études, intègrent cette nouvelle donne architecturale, technique et économique. La question est à l'ordre du jour du 39e congrès de l'Untec, du 18 au 20 mai à Nantes où sont attendus les 620 adhérents de l'union professionnelle.
Nouveau visage de la profession
Les économistes de la construction vont se retrouver au 39e congrès de l'Untec. Quel sera l'objet des débats ?
Notre congrès 2011 a pour thème « Concevoir ensemble pour répondre aux attentes de nos clients ». Nous voulons rappeler que la maîtrise d'œuvre est une équipe qui réunit les économistes, les architectes et les bureaux d'études. C'est cette équipe qui fait gagner la maîtrise d'ouvrage face au relèvement des exigences techniques et sociales d'aujourd'hui. Nous débattrons notamment sur l'obligation de résultat, le développement des compétences et l'écologie des matériaux.
A quoi ressemble l'économiste de demain ?
Il est plus sans doute ouvert sur les problématiques des autres métiers. Les économistes de la construction doivent se positionner comme des généralistes de la construction. En maîtrise d'œuvre en particulier, les questions sont souvent pluridisciplinaires et relèvent généralement de plusieurs métiers. La pose d'un plafond peut par exemple concerner la thermique, l'acoustique, la mécanique, l'économie du projet... et pas seulement l'ambiance architecturale. Pour l'économiste, il ne s'agit pas de savoir tout faire. Mais d'avoir une vision transversale, ou globale, pour aborder le bon questionnement et apporter les réponses pertinentes en s'appuyant sur des spécialistes. Les économistes doivent être des facilitateurs de l'acte de construire.
Doivent-ils passer par une formation particulière pour atteindre cet objectif ?
L'idéal serait que les jeunes qui se préparent à nos métiers reçoivent une formation commune à l'architecte, à l'économiste et à l'ingénieur. Ce socle de formation devrait être créé. Les partenaires de la maîtrise d'œuvre en ont besoin pour apprendre à mieux travailler ensemble. Aujourd'hui la formation initiale des économistes, bien que présente au niveau BTS, licence et master, n'est pas encore assez solide... même si les formations mises en place avec le concours de l'Untec ont indéniablement rajeuni la profession. Mais, les jeunes économistes ont besoin d'une formation plus solide en maîtrise d'œuvre.
Problèmes actuels et solutions
Avec une crise économique 2008-2010 qui a mise à mal les prix de la construction, des estimations de projets se sont révélées moins fiables. Craigniez-vous que la confiance des maîtres d'ouvrage se soit amoindrie ?
L'effet de yoyo des prix en période de crise ne facilite pas les estimations. Mais les économistes ne se contentent pas d'annoncer des coûts prévisionnels. Ils font parler leurs estimations. Ils sont capables de les expliquer en les contextualisant : effet de la crise ou des nouvelles réglementations, conséquence d'une catastrophe naturelle, ou résultante d'un projet complexe ? Les raisons qui justifient un prix à un instant T sont multiples. Plus l'estimation est fine, plus l'économiste est capable de la justifier et plus il est réactif à la conjoncture. Une estimation a une histoire à ne jamais perdre de vue. Notre valeur ajoutée est dans le décryptage des prix et de leur évolution (à la hausse comme à la baisse).
Le coût global, souvent évoqué, reste une Arlésienne. L'Untec envisage-t-elle de se mobiliser pour encourager ce mode d'estimation des ouvrages ?
Les maîtres d'ouvrage ne sont pas forcément très demandeurs du coût global aujourd'hui (ndlr : coût qui associe le coût de construction et le coût d'exploitation, voire le coût de recyclage du bâtiment). Ce n'est pas une attente clairement identifiée. Les outils ne sont peut-être d'ailleurs pas encore bien au point. Et, entre « usine à gaz » et méthode sur-mesure pas vraiment maîtrisée, les référentiels restent flous. Le coût global est un outil d'aide à la décision, mais pas encore une méthode assez fiable pour engager une obligation de performance.
La crise économique 2008-2010 a-t-elle eu pour conséquence un dumping des honoraires des économistes de la construction ?
Effectivement, nos honoraires sont parfois tirés par le bas. Ils résultent notamment de la négociation plus difficile du taux de notre rémunération au sein de la maîtrise d'œuvre. La situation est d'autant plus dramatique que ce taux se rapporte à des coûts de travaux qui ont baissé depuis le début de la crise. Cette cascade d'éléments génère un dumping dangereux pour la qualité des constructions. C'est très regrettable aussi parce que nous pouvons laisser croire à nos clients que nous savons faire tout aussi bien, voire mieux, pour moins cher. Accepter une telle situation revient à ne pas donner une bonne image de la maitrise d'œuvre. Les économistes, comme toutes entreprises, doivent gagner de l'argent pour faire progresser leurs entreprises.
Interview tirée de l'enquête intitulée « Les économistes de la construction s'attèlent au BBC », parue dans « Le Moniteur » n°5607 du 13 mai.