Les conseils des pros pour des PLU zéro recours

Urbanisme -

Des évolutions récentes sécurisent les projets urbains, mais une bonne préparation en amont des documents reste indispensable.

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Le plan local d'urbanisme (PLU) de la Ville de Saint-Guiraud dans l'Hérault n'aura vécu qu'un peu plus de deux ans. La commune avait à peine voté son document d'urbanisme (le 12 novembre 2013) qu'un recours à son encontre a été formé, entraînant son annulation par le tribunal administratif le 2 juin 2016. Plus précisément, c'est la délibération municipale approuvant le document d'urbanisme qui a été annulée. Le juge a, en effet, estimé que la Ville n'avait pas mené de réflexion d'ensemble suffisante sur les objectifs du PLU avant de mener la concertation avec la population. La mairie estime que cela a fait perdre des mois de travail et coûté 30 000 euros.

Contentieux aux conséquences redoutables. L'annulation d'un PLU peut donc être une vraie calamité pour les collectivités qui investissent de l'énergie et beaucoup d'argent pour réaliser ce travail. Les bénéfices des études et des réunions préparatoires partent ainsi en fumée. De plus, tous les projets menés par la collectivité sont ajournés car, lorsque le PLU est annulé, c'est le document d'urbanisme antérieur qui se trouve à nouveau en vigueur (article L. 600-12 du Code de l'urbanisme). Et s'il s'agit d'un plan d'occupation des sols (POS), la situation peut s'avérer compliquée. Pire encore, en l'absence de document antérieur, la commune sera à nouveau régie par par le règlement national d'urbanisme (RNU). Elle ne maîtrise alors plus du tout son urbanisation et ne peut mener des projets ouvrant de nouvelles zones à la construction.

On comprend donc pourquoi les collectivités redoutent ces contentieux. Aucune statistique nationale n'est réalisée ni sur les motifs invoqués à l'appui des recours ni sur leur nombre, mais la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI) estime que, chaque année, ce sont entre 28 000 et 32 000 logements qui ne peuvent voir le jour en raison des recours, tant contre les documents d'urbanisme qu'à l'encontre des permis de construire.

L'importance accordée au projet plutôt qu'à la règle écrite permet de déjouer les recours.

Le Syndicat national des aménageurs lotisseurs (Snal) ajoute que le phénomène a été particulièrement marqué ces dernières années, car de nombreuses communes ont lancé la transformation de leur POS en PLU. Ces nouvelles procédures ont suscité moult contestations. « Nous sommes passés de documents d'urbanisme qui ouvraient des terrains à l'urbanisation à des documents plus protecteurs de l'environnement, ce qui crée des mécontentements dans certains cas et donc des recours », explique Yann Le Corfec, directeur juridique au Snal. L'obligation de réaliser des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) dans les années à venir risque à son tour de relancer le nombre de recours. En effet, les habitants de toutes les communes du PLUi pourront contester le document d'urbanisme, car ils auront « intérêt à agir ».

Des dispositions pour sécuriser les documents d'urbanisme

Les professionnels comme le Snal et la FPI se félicitent, malgré tout, des dispositions récentes qui sécurisent les décisions des collectivités. Tout d'abord, les objectifs de mise en conformité avec le Grenelle de l'environnement ont été reportés, ce qui permet aux collectivités d'avoir plus de temps pour mûrir leur document. L'article 132 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a en effet modifié les articles 17 et 19 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, et supprimé l'échéance de « grenellisation » des schémas de cohérence territoriale (Scot) et des PLU fixée au plus tard au 1er janvier 2017. C'est dorénavant à l'occasion de leur prochaine révision - qui n'est elle-même enfermée dans aucun délai - que ces documents devront devenir conformes aux objectifs du Grenelle de l'environnement.

La récente modernisation du contenu des PLU permet également d'améliorer leur sécurité juridique (). Ce contenu se veut plus clair. Le règlement du PLU est tout d'abord simplifié avec trois grands chapitres thématiques : l'affectation des zones et la destination des constructions ; la prise en compte de l'environnement (caractéristiques urbaines, architecturales, naturelles et paysagères) ; les équipements et les réseaux.

La part belle à l'urbanisme de projet. L'objectif de la modernisation consiste aussi à laisser une large place au projet de la collectivité : l'utilisation accrue des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) - pièces constitutives du dossier des PLU - permet de valoriser une planification stratégique et thématique. L' introduit la possibilité de prévoir, dans les zones urbaines et à urbaniser, des OAP s'appliquant seules, c'est-à-dire sans disposition réglementaire complémentaire. Cette souplesse et l'importance accordée au projet plutôt qu'à la règle écrite permettent de déjouer des recours. C'est la règle qui doit s’adapter au projet et non l’inverse. Si le projet est bien expliqué en amont, les termes utilisés dans le règlement ont moins d’importance : les PLU n’en seront que plus sécurisés. Enfin, la jurisprudence du Conseil d’Etat, qui a connu un revirement spectaculaire le 5 mai 2017 (lire page 91) , est désormais plus favorable aux collectivités.

Fixer des objectifs cohérents

Quelles que soient les évolutions législatives, réglementaires ou jurisprudentielles, il est essentiel de soigner l'élaboration du PLU et de bien déterminer les objectifs au préalable. En principe, une collectivité ne réalise pas un PLU sans raison. Elle le met en place car elle souhaite mener un projet de développement urbain, mettre en valeur un patrimoine sur son territoire. « Un plan local d'urbanisme est beaucoup moins fragile en cas de recours s'il fixe des objectifs bien précis et les énonce clairement. Les juges y sont attentifs, à condition bien sûr que ces objectifs se retrouvent dans les différentes parties du PLU depuis le rapport de présentation jusqu'au règlement », conseille Barbara Rivoire, avocate chez SCP Sartorio et Associés.

Cela implique, pour la commune, une réflexion importante en amont sur l'évolution souhaitée de son territoire. Les élus et le bureau d'études doivent s'entendre sur ces éléments. A titre d'exemple, on peut citer la commune d'Ainezay (Vendée) qui annonce, lors de la révision de son PLU menée en 2016, quatre grandes orientations : transformer en douceur un bourg rural en petite ville, améliorer et sécuriser les déplacements, assurer un développement économique durable mais également protéger et mettre en valeur le paysage et les espaces naturels.

L'élaboration d'un PLU implique, pour la commune, une réflexion importante en amont.

Bien préparer la délibération prescrivant le PLU et la concertation

Autre point important : la délibération qui lance le processus d'élaboration du document d'urbanisme. En effet, sa rédaction donne tout le déroulé de la procédure, et c'est sur ce document que s'appuient souvent les détracteurs du PLU afin de regarder si tout ce qui a été annoncé a été respecté. Il faut donc bien expliciter les différentes étapes et la manière dont la concertation avec le public va être menée. Si des réunions sont prévues, il faut le dire ; même chose si des expositions sont programmées. « Attention, si dans la délibération, on met le mot réunions au pluriel, le juge vérifiera que plusieurs réunions se sont tenues », précise Marion Saint-Supéry, avocate associée au cabinet Symchowicz-Weissberg.

A côté de ces aspects de procédure, la question environnementale devient de plus en plus cruciale, surtout lorsque l'on se situe dans des espaces sensibles. Certains PLU édictés sur de tels territoires, annulés intégralement et plusieurs fois de suite pour des motifs tenant notamment au défaut de justification du respect de textes de protection de l'environnement (loi Littoral, protection Natura 2000, etc. ), tardent à être remis sur le métier ou à être approuvés. C'est le cas de la Ville de Lège-Cap Ferret (Gironde) dont le PLU a été annulé en 2013 (après une première annulation en 2008). Elle annonce sur son site Internet, alors que le projet de PLU n'a pas encore été arrêté, une approbation indicative en 2018, selon le cabinet Rivière Avocats Associés qui a fait annuler ce PLU en 2013.

Prévoir une assistance juridique. Olivier Bonneau, avocat associé de ce cabinet, conseille d'ailleurs aux communes de « prévoir une assistance juridique qui examine tous les documents un à un, vérifie leur cohérence et aide à la formulation, dans le respect du cadre légal, du parti d'urbanisme local. Il devient crucial de tenir compte de manière concrète de l'évaluation environnementale tout en justifiant formellement du respect par le projet de PLU des différents textes et documents de rang supérieur tel le Scot ». Le coût de cet accompagnement n'est pas neutre : il faut compter entre 20 000 et 30 000 euros. Une petite commune peut avoir des difficultés à s'en acquitter.

Une fois la délibération adoptée, la concertation prévue avec le public doit être menée à la lettre par les collectivités. Si trois réunions sont prévues, trois réunions doivent avoir lieu. Les avocats conseillent également de rester prudent et de se constituer des documents prouvant que ces réunions se sont effectivement déroulées. Il peut s'agir de procès-verbaux ou de comptes rendus de réunions approuvés en conseil municipal, par exemple.

Une fois la délibération adoptée, la concertation prévue avec le public doit être menée à la lettre.

Relativiser un recours

Enfin, en cas de recours, il ne faut pas s'alarmer outre mesure. En effet, les juges peuvent considérer que tout le PLU n'est pas à annuler. Ils peuvent décider d'une annulation partielle. Dans ce cas, c'est seulement dans la zone concernée par l'annulation que l'ancien document d'urbanisme redevient applicable. Le reste du PLU demeure en vigueur. Pour la collectivité, le travail à accomplir est moindre et des projets peuvent continuer à être menés.

Autre possibilité : le juge peut surseoir à statuer. Lorsqu'il estime qu'une irrégularité est susceptible de faire tomber le document d'urbanisme mais que l'erreur est régularisable, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, suspendre la procédure pendant un délai qu'il fixe, dans l'attente de sa régularisation par la commune (art. L. 600-9 C. urb. ). Pendant ce délai, le PLU reste applicable. Le Code de l'urbanisme apporte toutefois une réserve : en cas d'illégalité pour vice de forme ou de procédure - problème de délai, de rédaction d'une délibération, etc. -, le sursis ne pourra être prononcé que si l'illégalité a eu lieu après le débat sur les orientations du projet d'aménagement et de développement durables (PADD). Ce qui sera relativement facile à régulariser. Si, en revanche, l'illégalité relève d'un problème de cohérence ou d'objectifs mal définis, la situation sera plus complexe. Encore une incitation à bien réfléchir à son PLU en amont.

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