Jurisprudence

Le Conseil d’Etat renforce les garanties de paiement du sous-traitant

Sous-traitance et paiement direct -

La Haute assemblée sanctionne fermement le non-respect du délai de quinze jours, accordé au titulaire d’un marché public, pour s’opposer à la demande de paiement direct formulée par son sous-traitant.

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Marchés publics
Conseil d'Etat (CE)Décision du 2011/02/21N°318364

Les difficultés dans les relations financières entre les titulaires de marchés et leurs sous-traitants sont naturelles entre partenaires de poids économiques souvent très inégaux. Pour lutter contre les défaillances réelles ou provoquées des entreprises principales, la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance a mis en place un système original de protection financière du sous-traitant de premier rang, notamment à travers la procédure de paiement direct à l’encontre du maître d’ouvrage matérialisant ainsi son souci de l’impliquer directement dans le dispositif de protection.

Par un arrêt du 21 février 2011, « Communauté urbaine de Cherbourg » (1), le Conseil d’Etat entend désormais faire une application stricte de ce dispositif.

Les conditions de mise en œuvre du paiement direct

L’article 6 de la loi de 1975 pose un principe général : le sous-traitant qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître d'ouvrage public, est payé directement par lui pour la part du marché qu’il exécute. L’article 8 de la loi de 1975 pose néanmoins une exception à ce principe : la possibilité pour l’entreprise principale de s’opposer à la demande de paiement direct du sous-traitant dans un délai de quinze jours, compté à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement. Cette procédure est décrite de façon succincte par la loi, de sorte qu’en dépit du caractère très protecteur des principes affirmés par la loi, les sous-traitants éprouvent les plus grandes difficultés à se faire payer en cas de refus du titulaire même lorsque celui-ci intervient au-delà du délai légal. Le Code des marchés publics, puis la jurisprudence récente du Conseil d’Etat sont venus renforcer le dispositif de la loi de 1975 dans le sens de la simplification et de l’efficacité.

Les avancées du Code des marchés publics

Le Code des marchés publics a considérablement réduit les délais de la procédure de paiement direct. Auparavant, le silence de l’entreprise principale obligeait le sous-traitant à renvoyer sa demande au maître d’ouvrage. Ce dernier mettait en demeure le titulaire de lui faire la preuve, dans un nouveau délai de quinze jours, qu’il avait opposé un refus motivé à son sous-traitant.

Désormais, la procédure prévue par l’article 116 du Code permet de réduire de moitié les délais avec une mise en paiement dans les quinze jours après réception de la demande par le titulaire du marché, même si ce dernier garde le silence pendant cette période, refuse le pli ou ne le réclame pas. Dans le nouveau dispositif établi par le Code, le sous-traitant adresse tout d’abord sa demande de paiement, libellée au nom du pouvoir adjudicateur, au titulaire du marché principal. Cette demande doit être accompagnée de tous les justificatifs requis. Ensuite, le titulaire examine la demande afin de déterminer si elle correspond bien à des prestations réellement exécutées. Il dispose de quinze jours à compter de la signature de l’accusé de réception pour donner son accord ou notifier un refus, d’une part, au sous-traitant, d’autre part, au pouvoir adjudicateur. En cas de refus, l’entrepreneur principal doit le justifier et le notifier au sous-traitant. Parallèlement, ce dernier adresse sa demande de paiement au pouvoir adjudicateur, accompagnée de copies des factures et de l’accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande. Le pouvoir adjudicateur adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant.

Le renforcement des garanties de paiement par le Conseil d’Etat

Dans un arrêt du 21 février 2011, « Communauté urbaine de Cherbourg », le Conseil d’Etat a décidé de sanctionner très fermement le non-respect du délai de quinze jours. Il a considéré que l’entrepreneur principal qui n’a pas formellement refusé les pièces justificatives de la demande de paiement dans ce délai, est réputé les avoir acceptées « définitivement », soit qu’il ait gardé le silence après leur réception, soit qu’il ait décidé de les contester, mais postérieurement à l’expiration dudit délai. Le maître d’ouvrage doit donc automatiquement faire droit à la demande de paiement direct du sous-traitant. Les termes employés par le Conseil d’Etat dans cet arrêt sont forts de signification : la créance du sous-traitant ne pourra plus être remise en cause par le titulaire ou le maître d’ouvrage au-delà du délai légal puisqu’elle sera considérée comme « définitive ».

La solution dégagée par le Conseil d’Etat ne peut qu’être saluée tant elle s’inscrit dans la logique du dispositif d’ordre public de protection des sous-traitants mis en place par le législateur.

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