Le « 7 familles » de l'archi 1/7 - Les Colboc, dans le creuset de la maison de Sceaux

Si la demeure bâtie par Henri et Geneviève a marqué leurs descendants, elle ne leur a pas imposé de modèle. La diversité de leurs approches le prouve.

 

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La maison familiale de Sceaux, construite par Henri et Geneviève Colboc, a constitué une éducation à l’architecture pour leurs descendants.

Certains noms traversent l'architecture française depuis des décennies. Colboc en est un, incontournable, depuis Henri, née n 1917, jusqu'à Baptiste diplômé cent ans plus tard. Dans cette dynastie, tout a commencé dans la maison familiale de Sceaux (Hauts-de-Seine). Ou plutôt non : tout a commencé quelques mois avant la construction de la maison familiale de Sceaux, au début des années 1950. Henri et Geneviève Colboc sont alors tous les deux architectes. Si Geneviève n'exercera pas avant la fin des années 1960, Henri, lui, travaille d'arrache-pied à la reconstruction du pays. Il bâtira notamment le marché d'intérêt national de Rungis (Val-de-Marne) et l'église Saint-Michel, au Havre (Seine-Maritime). Le couple a alors cinq enfants -il en aura neuf avant de se séparer -, mais cela ne l'empêche pas de partir quelques mois en voyage d'étude aux Etats-Unis.

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Henri et Geneviève y rencontrent de grands noms de l'architecture américaine, en particulier Frank Lloyd Wright et Richard Neutra. Avant de partir, ils avaient dessiné des plans pour construire leur propre demeure, à Sceaux. En rentrant, ils jettent tout. Ils recommencent à zéro, inventent de grandes baies vitrées donnant sur un très beau jardin, l'extérieur étant pensé dans la continuité de l'intérieur. L'ensemble, spectaculaire, aura une influence profonde sinon sur la vocation, en tout cas sur l'imaginaire de leurs enfants et de leurs petits-enfants, dont beaucoup sont à leur tour devenus architectes.

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Confraternité. « Nous sommes tous différents et n'avons presque jamais travaillé ensemble, mais il y a certains points communs entre nous, confirme Emmanuelle, la benjamine des enfants. Cette maison de Sceaux est un point de départ. Il y a aussi des lignes de force, l'exigence, en particulier. Mais aussi un intérêt presque philosophique pour ce métier et un fort sens de la confraternité. » En ce qui la concerne, elle tire son héritage professionnel de « la relation kinesthésique à la nature » de la maison de Sceaux. Comme pour ses parents, l'harmonie entre le bâti et son environnement est centrale. Au point qu'elle sait reconnaître le trait de son père là où il est passé. « Il y a quelques années, je me suis occupée d'une opération de démolition d'une barre à Bondy (Seine-Saint-Denis), avec reconstruction de deux lots d'habitation, raconte-t-elle. En arrivant sur les lieux, j'ai vu les jardins, les arbres… et je me suis rendu compte que mon père en avait fait les plans. Il était un très bon paysagiste. » Mais si Emmanuelle a gardé les extérieurs imaginés par Henri, elle a entièrement revu les logements : « La Reconstruction, c'était une époque bien particulière, les erreurs qui ont été faites à ce moment-là nous ont beaucoup servi. Le monde a évolué, nos connaissances de la ville également. »

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Intuition et simplicité. Son neveu Benjamin la rejoint : « Chaque génération d'architectes est un témoin de son temps : oui, il yen a beaucoup dans la famille, mais nous avons des pratiques très variées. Nous ne pouvons pas être réduits à la maison de Sceaux ! J'éprouve une relative méfiance vis-à-vis de toute mythologie familiale. » Il reconnaît cependant qu'il existe des affinités, des proximités intellectuelles : « Ma grand-mère était très intuitive, elle soutenait que l'expression de l'artiste est fondamentale. Mon père, Jean-Baptiste, tient beaucoup d'elle. Lui a fait partie des architectes-artisans des années 1970- 1980, il a énormément travaillé en zone rurale. Emmanuelle est également très généreuse dans sa pratique. » Parmi les artistes de la famille, on compte aussi Margot, la fille d'Emmanuelle, qui a abandonné l'architecture pour se destiner à la maroquinerie, autant pour le travail de la matière que pour maîtriser le produit de A jusqu'à Z, et Julien, le fils de Vincent, sculpteur sur bois. Benjamin, lui, se distingue : « Je suis un animal à sang froid. Je suis très analytique, et urbain. Je travaille énormément sur la modularité, la simplicité d'entretien, l'économie de la matière. » S'il se sent professionnellement proche d'un membre de la famille, c'est de son oncle Pierre, aujourd'hui décédé : « C'était un urbaniste cultivé, malicieux, charmant. J'ai beaucoup appris en discutant avec lui. » Pierre Colboc a énormément travaillé sur la reconversion de bâtiments industriels et la réhabilitation de quartiers, mais il est aussi connu pour avoir œuvré à la création du musée d'Orsay ou conçu les jardins de Reuilly, à Paris.

« Chaque génération d'architectes est un témoin de son temps : oui, il yen a beaucoup dans la famille, mais nos pratiques sont très variées. » - Benjamin Colboc

Imbrication entre nature et matière. Guillaume, le cousin de Benjamin, se situe entre ces deux grands traits de caractère : le sens artistique de Geneviève, Jean-Baptiste, Emmanuelle, et le caractère analytique d'Henri, Pierre ou Benjamin. Pour lui, qui a vécu toute son enfance dans une extension de la maison de Sceaux, l'imbrication entre nature et matière est fondamentale. En revanche, sa vocation est née progressivement, pas forcément directement de l'influence Colboc. « Mes deux parents étant architectes et travaillant ensemble, j'entendais tout le temps parler de chantiers à la maison, ce qui ne m'intéressait alors pas beaucoup, se souvient-il. C'est au lycée, par les cours d'arts plastiques, puis durant mes études supérieures, que je me suis construit un regard personnel sur l'architecture. » S'il se sent proche de sa tante Emmanuelle notamment sur la question de l'usage, Guillaume rejoint Benjamin sur l'extrême diversité des pratiques familiales : « Nous respectons le travail des uns et des autres et discutons de l'évolution du métier, mais la vie de nos agences ou nos productions respectives ne constituent pas un corpus familial cohérent ! » Pas une école de pensée peut-être, mais une famille unie, très certainement.

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