« C’est une salle opéra, à la différence près que 30.000 spectateurs pourront écouter les artistes », s’émeut Pierre Ferret, l’architecte bordelais avec lequel nous avons visité le stade lors de l’ouverture de la « boîte à spectacle » pour la première fois depuis la pose de la pelouse. Un évènement pour ce « Grand Stade de Lille Métropole » qui a connu sa première heure de gloire avec le premier match de football du LOSC fin août, devant 50 000 spectateurs.
Ce stade, construit en deux ans et demi par le groupement concepteur-constructeur d’Eiffage et ses filiales avec les architectes de l'Atelier Pierre Ferret et ceux de Valode & Pistre, est un concentré d’innovations. Comme les lecteurs pourront le lire dans un dossier spécial dans le Moniteur du 21 septembre, ce stade cumule les exploits techniques. Car ce stade est avant tout une immense salle de spectacles dans laquelle le Losc pourra jouer au football 25 jours par an. Pour accueillir des événements très variés, des concerts jusqu'aux sports en salle ou des pièces de théâtre - condition du succès du partenariat public privé pour Eiffage -, les concepteurs devaient répondre à deux exigences : couvrir totalement le stade afin de se protéger de la pluie et d'obscurcir l'enceinte ; et créer un espace modulable. La réponse technique est spectaculaire. La toiture est mobile : il faut à peine 30 minutes pour protéger les spectateurs. Et une salle de spectacle se cache sous la moitié nord de la pelouse, aménageable en moins de 24 heures afin d'accueillir un palais des sports ou un concert pour 18 000 à 29 500 spectateurs.
Trois questions à Pierre Ferret, architecte avec Denis Valode du Grand Stade de Lille
Quelles sont les réelles innovations de ce stade ?
L’ouverture de la toiture n’est pas une première en soi. On peut en voir sur quelques stades dans le monde. Ce qui est, ici, particulièrement innovant, c’est la structure en gigogne de la toiture, avec ses quatre éléments. Cela évite à la toiture, quand elle est ouverte, de sortir de l’épure volumétrique du stade. Ceci dit, le simple fait de fermer un stade est une première en France ! Les implications techniques sont nombreuses, mais c’est l’acoustique qui est le principal défi. Car il faut pouvoir accueillir des orchestres symphoniques. Disons-le, le Grand Stade de Lille sera le seul stade français répondant aux normes acoustiques pour des concerts de qualité.
La boîte à spectacle est également une première mondiale ?
Il y a quelques stades dans le monde avec des pelouses qui sortent du stade, avec des systèmes de tiroir beaucoup plus simple. On sort la pelouse pour l’aérer ou pour libérer le sol pour un évènement. Mais il n’y a jamais de boîte en dessous avec gradins télescopiques permettant de réaliser une véritable salle de concert de 30.000 personnes conjuguant proximité avec la scène, acoustique parfaite et toiture fermée. C’est une innovation architecturale majeure. Après, la solution technique, le glissement de la moitié de la pelouse sur l’autre, on la doit au génie des constructeurs. La force d’Eiffage TP, c’est d’avoir pu présenter la référence du Viaduc de Millau et ses lançages spectaculaires de tablier pour convaincre le jury de concours.
Les megas-poutres métalliques précontraintes qui soutiennent la toiture sont aussi une innovation majeure ?
Oui, et c’est encore le fruit d’une exigence fonctionnelle que Denis Valode et moi-même souhaitions ardemment. L’idée est simple : dans un stade moderne, le spectateur du plus haut gradin doit pouvoir voir celui d’en face. On doit pouvoir voir totalement la « ola » des supporters, et ce, où que l’on soit. Et avec les premières études, la poutre de 22 mètres de hauteur ne le permettait pas. Nous avions deux possibilités : affiner les poutres ou relever le stade. La deuxième option était excessivement chère et mauvaise du point de vue de l’insertion urbaine. La première était techniquement complexe. Et là encore, Eiffage Construction Métallique et son bureau d’études bruxellois Greish ont fait des merveilles en mettant de la précontrainte dans une poutre métallique de plus de 200 mètres de long. Je dois rendre hommage à l’ancien PDG d’Eiffage, Jean-François Roverato, qui a su nous écouter sur ce sujet.