Quels retours avez-vous eus sur les propositions contenues dans le livre blanc que vous avez adressé aux candidats à l’élection présidentielle ?
Dans ce document publié en février dernier, la profession formule «Cinq propositions pour 2022», sur les thèmes de l’emploi et l’éducation, de l’environnement, du pouvoir d’achat et de l’immobilier, de la dette publique et de la responsabilité sociale. Nous l’avons envoyé aux 12 candidats déclarés. Et nous avons reçu des réponses, très polies, de trois équipes de campagne.
Nous sommes déçus mais ce résultat est finalement conforme à l’image de toute cette campagne présidentielle. Cependant nous comptons bien que ce livre blanc ne reste pas lettre morte. Il nous servira à engager le dialogue avec le président élu et le futur gouvernement.
Education, pouvoir d’achat des Français… En quoi êtes-vous légitimes sur ces questions ?
Nous touchons là à des sujets qui préoccupent les Français et en tant qu’acteurs de la société, présents sur tout le territoire, les géomètres-experts sont aptes à s’en emparer et à formuler des propositions qui, sur ces divers thèmes, relèvent de notre champ de compétences ou correspondent à notre situation.
«Nouveau diplôme»
Ainsi, sur la question de l’éducation et de l’emploi, nous constatons le paradoxe : selon l’Insee environ 12 % des jeunes, en 2019, n’avaient pas d’emploi et ne suivaient ni études ni formation. Et de notre côté, nous subissons toujours une pénurie de candidats dans nos recrutements. Il manque aujourd’hui 2 300 employés dans nos cabinets.
Même si le besoin ne se fait pas tant ressentir sur les postes de géomètres-experts que sur ceux de techniciens de la mesure, de juristes et d’autres personnels des fonctions support, nous proposons une refonte du parcours d’accès à notre profession. Cela passera par la création d’un nouveau diplôme d’Etat de géomètre-expert et la mise en place d’un centre de formation.
Sur le pouvoir d’achat, nous pouvons agir sur les conditions d’acquisition immobilière. En effet, selon le Code civil, le vendeur garantir «la chose qu’il vend» et cela passe aussi par le bornage des propriétés. Nous estimons, que lorsque ce dernier a été fait, cela devrait être systématiquement mentionné au fichier immobilier. On éviterait de refaire ce qui a déjà été accompli et surtout, le risque de contentieux serait réduit. Ce serait autant de frais de procédure qui seraient économisés.
Et en ce qui concerne la dette publique, comment les géomètres-experts peuvent-ils aider à la réduire ?
Aujourd’hui, le patrimoine public n’est pas connu, pas inscrit au cadastre. Si bien que lorsqu’un privé achète un bien voisin d’une propriété du domaine public, la collectivité détermine, unilatéralement, la délimitation en produisant un arrêté d’alignement.
«Patrimoine mieux connu»
Aujourd’hui, nous proposons une nouvelle procédure sur le modèle de la démarche contradictoire a été mise en place en 2021 pour ce qui relève du domaine ferroviaire : les géomètres-experts devraient pouvoir établir un bornage entre une propriété privée et le domaine public et établir «un procès-verbal concourant à la délimitation de la propriété des personnes publiques». Dès lors, petit à petit, les collectivités connaîtront mieux leur patrimoine et là encore, bien des contentieux seront évités.
Où en êtes-vous sur la question de l’habitat individuel depuis que, dans le cadre de l’Observatoire national du cadre de vie, vous avez également élaboré une liste de propositions ?
Effectivement, un groupe de travail a réfléchi à des propositions qui ont été présentées à Emmanuelle Wargon, la ministre déléguée au Logement, en décembre dernier. Il s'agit maintenant de les décliner d’un point de vue réglementaire et législatif. Il faut aussi réfléchir aussi à leur application différenciée selon les types de territoires. Ces nouvelles avancées profiteront au futur gouvernement.
Pourquoi insister sur la responsabilité sociétale des géomètres-experts ?
Nous sommes convaincus que sensibiliser nos confrères à la RSE (responsabilité sociétale des entreprises) ne peut qu’être bénéfique à leur performance. Nous ne parlons pas là que d’économie mais de performance globale et donc tout ce qui va du bien-être des salariés jusqu’au travail des cabinets en bonne harmonie avec leur territoire.
Nous invitons par exemple nos confrères à prendre le statut de société à mission, créé par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019. Ils se positionneront ainsi comme des entreprises dont l’activité se met au service d’objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux.
Prochain congrès
Plus encore, nous sommes persuadés que l’Ordre lui-même doit devenir une autorité à mission. Notre institution n’est pas une entreprise et aujourd’hui, un tel statut n’existe pas. Nous serions les premiers à le faire mais il nous semble qu’il nous faut réinterroger notre rôle aussi à ce niveau.
Cette question de la RSE sera d’ailleurs au cœur de notre prochain congrès qui se tiendra du 13 au 15 septembre au Havre. Nous nous interrogerons à cette occasion sur la redéfinition de notre performance et sur la possibilité de transcender nos missions. A cette occasion, nous serons accompagnés dans notre réflexion par l’économiste Elie Cohen, le sociologue Jean Viard et de l’ancienne spationaute et ancienne ministre Claudie Haigneré.