En trois ans et demi, pas moins de 265 projets, plans ou programmes ont été examinés par l’Autorité environnementale (Ae). Pourtant rares sont ceux qui connaissent son véritable rôle. Un comité Théodule de plus ? Pas exactement. Car les projets de la puissance publique sont soumis à une «évaluation environnementale». Celle-ci doit être réalisée par le maître d’ouvrage ou ses sous-traitants et comprend un état des lieux, une justification du projet, ses impacts sur l’environnement (bruit, consommation d’espace, faune et flore…), les mesures envisagées pour éviter ses impacts, les réduire ou les compenser et, enfin, un résumé non technique de tout cela.
« L’Union européenne a demandé qu’une autorité compétente et indépendante donne son avis sur la qualité de l’étude d’impact et la prise en compte des enjeux environnementaux», explique Michel Badré, président de l’Ae. Ainsi avant le lancement de l’enquête publique par les autorités, l’Autorité environnementale, composée de 13 membres permanents et de 5 personnalités « qualifiées » rend son avis sur telle ou telle étude d’impact. « Il y a des choses que nous sommes les seuls à pouvoir dire, affirme Michel Badré. Nous sommes la seule structure qui ne soient pas aux ordres de l’État et qui travaille en toute indépendance des maîtres d’ouvrage.» Pour autant, l’institution se refuse à se prononcer sur l’opportunité du projet. Elle se borne à analyser l’étude d’impact.
Tirer les maîtres d’ouvrage vers le haut
En 2012, sur 90 avis, 7 concernaient des plans et programmes, 22 des projets ferroviaires (dont la première tranche du grand Paris Express), 13 projets fluviaux, 11 lignes à très haute tension, ou encore 7 projets routiers. En moyenne, depuis l’été 2009, date de création de l’Ae, 60% des avis rendus concernent les transports, 30% d’autres projets, nucléaires par exemple, et 10% des plans et programmes. « Rendre accessible le contenu des dossiers que l’on nous transmet, fait partie de notre mission», explique Mauricette Steinfelder, membre de l’Ae.
Mais ces avis ont-ils, finalement, d’autres intérêts que d’informer le public? Oui, répond l’autorité environnementale. «Sur 265 programmes examinés à ce jour, 8 ont été abandonnés pour retrait, report ou reprise avant avis de l’Ae, neuf après l’avis avec pour conséquence un projet remanié en profondeur ou des adaptations du projet et dossiers d’étude d’impact refaits, énumère Michel Badré. Dans les autres cas, le maître d’ouvrage fait un «mémoire en réponse» aux recommandations effectuées par l’Ae.»
Mais au-delà, l’Ae a aussi un rôle incitatif. «Même si l’environnement ne fait plus aussi recette qu’avant, on constate un vrai souci des maîtres d’ouvrage pour améliorer leur prise en compte de l’environnement », assure Mauricette Steinfelder. En clair, le porteur du projet anticipe les recommandations de l’Ae. D’autant que si ces dernières ne sont pas contraignantes, en cas de conflit juridique futur, elles peuvent servir de base à la justice pour rendre sa décision. Une contrainte sous-jacente en somme.