Quand l’Académie d’architecture réunit la famille du BTP pour lui remettre ses prix annuels (voir palmarès ci-dessous), cela dure généralement des heures. Trois heures et demie exactement pour la cérémonie 2013, orchestrée par son enthousiaste président Thierry Van de Wyngaert, le 12 juin au sein de la Chapelle des Récollets à Paris (10e). Pour une question de temps, les 35 lauréats n’ont pas tous eu droit à leur minute de remerciements. Dommage : les réunions de famille donnent souvent lieu à des prises de position affirmées…
Coups de griffe/de cœur
Plusieurs coups de griffe ont été assénés durant l’après-midi : l’architecte Richard Scoffier envers les maîtres d’ouvrage et maître d’œuvre qui ont « plus tendance à penser en termes de communication » qu’à « réfléchir à ce qu’ils font », ajoutant que la critique architecturale demeure « indispensable » ; ou encore la conservatrice du patrimoine Colette di Mattéo envers ses pairs, avec lesquels elle avoue avoir moins de « connivence » qu’avec ses élèves de l’Ecole de Chaillot. Les artistes et urbanistes Baptiste Lanaspèze et Nicolas Mémain se disent « désolés » pour les grands aménageurs qui n’auront pas de médaille cette année. Car ils ont gagné la leur en réalisant « le plus petit projet urbain qui soit avec 1 kg de peinture jaune, 1 kg de peinture rouge et 10 kg de papier » sur le sentier de randonnée périurbain GR2013, autour de Marseille.
La cérémonie a aussi fait place aux coups de cœur. L’architecte Rudy Ricciotti, médaille d’or 2013 de l’Académie d’architecture, a rendu hommage à son confrère Gilles Perraudin, médaille d’honneur. « Parmi les chevaliers de la Table ronde, il est notre Lancelot, a-t-il lancé. Il nous rappelle les engagements romantique, poétique et métaphysique nécessaires lorsqu’on fait ce métier d’architecte. » Rudy Ricciotti a également déclaré sa flamme aux entreprises françaises du BTP (Léon Grosse, Vinci, Eiffage, etc.). Selon lui : « Elles savent ce que nous ne savons pas. Elles ont en main les secrets que nous n’avons plus. Elles ont une mémoire que nous avons perdu. »
1000 mercis
Les architectes Karine Chartier et Thomas Corbasson, Prix Dejean 2013, ont adressé avec humour presque 1000 mercis à des architectes (dont Rudy Ricciotti), des cinéastes (dont Georges Lucas), des écrivains (dont Houellebecq), des journalistes (dont Jacques-Franck Degioanni du « Moniteur »), mais aussi à la Nasa, aux créateurs du Concorde, au programme Erasmus, aux algorithmes, à l’ombre, à la lumière et à la Nature si « inspirante ». Ils ont aussi cité leur avocat, présent « quand il le faut ». Justement, dans la catégorie jurisprudence, une médaille d’argent a été décernée à l’avocate Danielle Gay-Bellile, intimidée devant l’assemblée d’architectes. « Je suis plus souvent assise à mon bureau, en train d’écrire pour vous, parfois contre vous », a-t-elle formulé. Comme chaque année, l’Académie d’architecture a récompensé une large palette de métiers : archéologue, conducteur de travaux, ébéniste, fondeur, échafaudeur, ingénieur, enseignant chercheur, peintre fresquiste, etc. Et elle recommencera l’an prochain lors d’une prochaine réunion de famille.