Bangkok a son Skytrain, Kuala Lumpur a son monorail, New Delhi, Shanghai ou Singapour ont leur réseau ferré souterrain. Jakarta, la capitale indonésienne, a un mirage: son métro aérien reste désespérément en gare.
En juin 2004 l'ex-présidente Megawati avait solennellement inauguré le chantier de 27 kilomètres d'un monorail très moderne, censé être achevé en 2007.
Deux lignes, la Verte et la Bleue, allaient relier la zone des affaires de Jakarta et les quartiers périphériques, transportant 270.000 passagers par jour. Ce métro aérien sur un rail central devait être une vitrine de la capitale, une des villes les plus polluées du monde.
Aujourd'hui les habitants, exténués de s'entasser dans de vieux bus sales, se demandent s'ils verront un jour leur monorail.
Seules les fondations des lignes ont été achevées. Les bases des piliers en béton armé se dressent, abandonnés par les ouvriers.
Les Indonésiens coincés dans les embouteillages rigolent des posters affichés sur les boulevards, présentant les rames futuristes filant à cinq mètres au-dessus du sol. Et ils lisent dans la presse les avanies endurées par le projet.
Un protocole d'accord avait d'abord été signé avec l'entreprise malaisienne MTrans, qui a construit le monorail de Kuala Lumpur. Ce contrat a ensuite été annulé au profit d'un consortium à moitié singapourien, Omnico.
En juillet 2005 le projet a encore changé de mains pour être transféré à un consortium de sociétés indonésiennes, Bukaka Teknik Utama, le constructeur de rails INKA et Siemens Indonesia. Ce consortium peine à réunir le financement nécessaire.
Hélas pour le monorail de Jakarta, des débats technologiques se sont ajoutés aux discussions ubuesques sur qui fait quoi et avec quel argent. Les derniers maîtres d'oeuvre ont promis des rames équipées de roues classiques, plus économiques que la lévitation magnétique prévue au départ.
Sukmawaty Syukur, une responsable de la société Jakarta Monorail, a expliqué à l'AFP que réunir les investisseurs était compliqué vu l'ampleur du chantier et le nombre de contributeurs. "Nous sommes très confiants" que le projet sera terminé à temps, a-t-elle assuré.
Le président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono a juré de combler le retard de l'Indonésie en matière d'infrastructures. Il compte beaucoup pour cela sur les investisseurs internationaux, qui observent d'un oeil inquiet le feuilleton du monorail.
Le gouverneur de Jakarta, Sutiyoso, est donc monté au créneau. Mais il a bien du mal à remettre le projet sur son rail. Alors que certains lui reprochent de ne rien faire pour les bidonvilles, le gouverneur s'est impliqué dans des projets grandioses, notamment celui avorté de la plus haute tour du monde.
Si le monorail ne dépasse pas la case départ, "les investisseurs perdront le peu de confiance qu'il leur reste pour investir dans les infrastructures en Indonésie", a mis en garde fin septembre le quotidien The Jakarta Post, dans un éditorial intitulé "Quo vadis monorail".
Ce métro aérien ne sera de toute façon pas la panacée aux problèmes dantesques de circulation à Jakarta. "Je doute de l'efficacité du monorail", a déclaré Heru Sutomo, chef du centre d'études sur les transports et la logistique à l'université de Gadjah Mada.
"Les lignes (prévues) desservent surtout les centres commerciaux", a-t-il ajouté. "Cela ne résout pas les problèmes de ceux qui font des allers-retours avec la banlieue".
Un rappel : le premier projet de métro à Jakarta remonte à... 1973.
Ahmad PATHONI (AFP)