Une semaine avant le confinement, l’agence parisienne Jourda Architectes, dont vous êtes la directrice, a été retenue sur deux projets. De quoi s’agit-il?
Dans les deux cas il s’agit du même programme : un parking-silo. L’un est un projet en conception-réalisation pour l’aéroport de Bâle-Mulhouse, doté d’une enveloppe de travaux de 20 M€. A cause de la pandémie du Covid-19, il a été reporté après la crise sanitaire. Je suis soulagée car je ne voyais pas très bien comment tout cela pouvait se passer à distance, en visioconférence. En revanche, je m’interroge sur les conséquences à long terme de ce report sur mon activité.
L’autre est un concours organisé dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, donc avec un planning serré pour livrer l’opération en temps et en heure. La SEM Plaine Commune Développement, maître d’ouvrage, a toutefois accordé un délai supplémentaire de quinze jours, repoussant la date de rendu au 16 juin au lieu du 2.
Comment s’effectue la phase de conception dans ces conditions?
Difficilement. Pour le concours des JO 2024, nous n’avons pas eu le temps de visiter le site à L’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), ce qui nous prive de rapport sensible avec le contexte. On peut utiliser tous les Google Maps, tous les reportages photographiques, toutes les images vidéos du monde, ça ne remplace pas le temps pris sur place à arpenter, respirer, voir, entendre et comprendre. Je ne suis pas une machine capable d’élaborer un projet à partir d’algorithmes, mais un être humain qui a besoin de ses sens pour créer un espace connecté au monde autour. J’ai donc du mal à imaginer comment on peut faire de la conception hors-sol. Néanmoins, nous gardons notre enthousiasme. Les architectes ont une faculté d’adaptation très forte. Ils sont habitués à se tordre dans tous les sens pour trouver des solutions.
Qu’en est-il du télétravail au sein de votre entreprise?
En tant que cheffe d’une entreprise composée de femmes avec enfants, la manière de collaborer avec mes salariées pendant cette période de confinement me pose une question pratico-pratique : comment leur demander de concilier en même temps vie professionnelle et vie personnelle ? C’est extrêmement compliqué, mais je ne veux pas fermer les yeux sur leur situation. Heureusement, j’ai la chance d’avoir avec moi des personnes mobilisées, à l’écoute et qui prennent leurs responsabilités. De toute façon, la quadrature du cercle est impossible…
