Le « petit jardin qui sentait bon le bassin parisien », celui de la chanson de Jacques Dutronc, tient peut-être sa revanche à Stains. A l’aube des années 1970, l’artiste déplorait la disparition du pommier et du sapin sous un tas de parpaings mais dans la commune de Seine-Saint-Denis, depuis quelques mois, une ancienne tour HLM du quartier du Clos-Saint-Lazare a cédé la place à des jardinières, des bancs et des allées pavées… Ce conte moderne paraît plus beau encore quand on sait que ces prototypes d’aménagements ont été réalisés à partir de bétons de démolition, un essai mené dans le cadre de l’appel à projets « Architecture de la transformation ».
Seine-Saint-Denis Habitat (anciennement l’OPH 93) s’est en effet saisi de cette opportunité pour faire croître « la culture du réemploi », explique Lucas Colombies, son chef de projet Rénovation urbaine. Le grand chantier national de transformation des quartiers, depuis une décennie et pour des années encore avec la phase Anru 2, est en effet l’occasion de tant de démolitions qu’il pourrait aussi être à l’origine d’un fabuleux gisement : celui de matériaux de récupération. Pour l’appel à projets, Seine-Saint-Denis Habitat s’est donc rapproché de Bellastock, une association d’architectes très engagés dans la recherche sur le réemploi. Ensemble ils ont installé sur le site de l’immeuble disparu un atelier en plein air où d’anciens murs ont été taillés en pièces, piquetés, polis ou sablés et, enfin, ont trouvé un nouvel usage. Des blocs irréguliers sont devenus des moellons pour des murets et des bacs à fleurs, des plaques ont été utilisées comme dallage tandis qu’un petit abri propice au rangement des deux-roues ou à la collecte des ordures ménagères a été construit à partie d’anciens voiles.

Tout au long de l’expérience, le voisinage est passé jeter un œil à cette drôle de « Fabrique du Clos ». « Plus de 800 personnes sont venues et nous avons pu faire de la pédagogie sur les avantages du réemploi, explique Lucas Colombies. Sinon les gens ne comprennent pas pourquoi eux, n’auraient pas le droit à du mobilier neuf, et seulement à de la seconde main. »
A l’issue du test, des hypothèses techniques ont été validées, notamment par le CSTB. Mais Lucas Colombies a aussi étudié la facture. « Pour l’abri-vélos, le bilan est alourdi par le prix encore important de la structure métallique. Et puis une telle construction demande aussi de mobiliser pas mal de matériel. Mais en réalisant des pavillons plus grands ou en plus grand nombre, des économies d’échelle semblent possibles, explique-t-il. En revanche l’expérience a été très concluante sur les revêtements de sol. L’économie est de 10 €/m² par rapport à du pavage neuf. Non seulement on n’achète pas de matériaux neufs mais en utilisant les bétons récupérés sur le site même, on économise sur l’évacuation des déchets, ce qui représente toujours un poste de dépense très important dans les démolitions. » Seine-Saint-Denis Habitat entend donc poursuivre sur cette lancée pour développer des espaces publics ou des allées privatives en béton réemployé. Quant à la « Fabrique du clos », elle pourrait devenir « une recyclerie professionnelle où seraient traités les matériaux générés par d’autres démolitions, explique Antoine Aubinais de Bellastock. Avec la régie de quartier, nous allons donc structurer le lieu pour en faire un lieu de production… Et ainsi créer de l’emploi local. »
