Etudiants et seniors, célibataires et familles, personnes valides ou en situation de handicap : tous cohabitent chez Amir, prénom donné à l'un des îlots du nouveau quartier République à Nantes (Loire-Atlantique), inauguré en fanfare le 17 octobre 2024, lors d'une fête des voisins. « Cette mixité est liée à la vision sociale de la ville que défend l'urbaniste Claire Schorter, où les habitants autant que les bâtiments s'accolent », explique Raphaël Gabrion, architecte mandataire de l'îlot.
La résidence Amir réunit trois édifices abritant 75 logements au total. Le plus haut, en R + 10 et façades béton, est dédié à l'accession et au coliving. Les deux autres, en R + 2/R + 4 et façades bois, appartiennent au parc social. En effet, le promoteur immobilier Cogedim, maître d'ouvrage de l'opération, a cédé 26 appartements en Vefa à Nantes Métropole Habitat. Le bailleur en loue aujourd'hui une partie - via le dispositif d'intermédiation locative -à Hapi'Coop, la coopérative de l'habitat accompagné, partagé et inclusif, qui gère ici un collectif de 10 résidents, âgés de 25 à 63 ans.
Adaptation intérieure et extérieure. « L'Arche, puis l'Apajh, et enfin Hapi'Coop… Le gestionnaire a changé à deux reprises en cours d'études et de chantier, ce qui a eu des incidences sur la conception du projet », souligne l'architecte Olivier Misischi, dont l'agence Ramdam a dessiné l'ensemble des logements sociaux. Au final, l'habitat inclusif n'était plus destiné à des personnes en situation de handicap mental, mais moteur. « Nous avons ainsi dû abaisser l'allège des fenêtres à 70 cm dans l'immeuble en R + 4, afin de voir au-dehors depuis un fauteuil roulant, puis équiper plusieurs salles de bains de lavabos télescopiques et de douches à siphon de sol. Il a aussi fallu motoriser les portes d'accès », détaille le concepteur, qui réalisait là ce type d'hébergement pour la première fois.
« Etant arrivés au début de la construction, nous avons pris les appartements les plus facilement adaptables aux spécificités de chaque résident », indique Emilie Ruprich-Robert, responsable développement et gestion locative chez Hapi'Coop. Ceux à mobilité réduite et âgés, au nombre de six, logent dans l'édifice en R + 4, au plus près de la cage d'ascenseur. Les quatre autres, qui présentent notamment des déficiences intellectuelles, habitent dans le bâtiment bas, au-dessus des duplex. Ils accèdent à leur domicile par des escaliers extérieurs et une coursive. « Nous refusons de cantonner ces locataires au rez-de-chaussée, défend encore Emilie Ruprich-Robert. Ils sont des voisins de palier comme les autres. On doit donc pouvoir les croiser à tous les niveaux. Sinon, il ne s'agit pas vraiment d'inclusion. »
L'urbaniste Claire Schorter a une vision sociale de la ville, où les habitants autant que les bâtiments s'accolent.
Espace partagé de 50 m2. En plus de leur T1 ou T2, qui permet d'héberger un aidant la nuit, les 10 locataires disposent d'une salle commune d'environ 50 m², équipée d'une cuisine. Ils s'y retrouvent le soir et le week-end, en compagnie d'une salariée de la coopérative avec laquelle ils organisent diverses activités et sorties. « Cet espace partagé, aménagé au rez-de-chaussée, s'apparente au salon d'une colocation où tout le monde se réunit, commente la responsable. La dimension collective est essentielle pour ces personnes qui vivent souvent seules. » De manière à l'encourager, Hapi'Coop a conduit des ateliers participatifs mensuels en amont de l'emménagement, afin que les résidents apprennent à se connaître. « Le promoteur immobilier a aussi organisé des rencontres avec l'ensemble des futurs habitants pour amorcer la vie de quartier, souligne- t-elle. Un groupe WhatsApp a même été créé, dans lequel ils s'échangent des bons plans et s'entraident. » Au bout du compte, l'habitat inclusif passerait presque inaperçu. Sauf que les architectes ont voulu le rendre visible de façon subtile, en avançant légèrement le plot de quatre étages sur le parc de la Prairie-au-Duc, imaginé par Jacqueline Osty. « Nous avons profité de cette saillie sur l'espace planté pour installer des fenêtres d'angle dans les logements, et ainsi offrir à leurs occupants des vues sur le lointain », indique l'architecte Olivier Misischi. Son confrère Raphaël Gabrion voit surtout ici l'occasion de positionner l'habitat inclusif « au premier rang de la ville ».


Informations techniques
Maîtrise d'ouvrage : Cogedim, Nantes Métropole Habitat.
Maîtrise d'œuvre : Raphaël Gabrion (architecte mandataire), Ramdam (architectes associés). BET : AIA (direction de l'exécution des travaux et pilotage), IBA (structure), Isocrate (fluides), Ictec (économie), Altia (acoustique), Sud VRD (VRD), Lalu (paysage).
Principales entreprises : Legendre (gros œuvre), Godard (charpente), Bourneuf (menuiserie bois).
Surface habitable : 4 414 m².
Coût des travaux : 7,7 M€ HT.