France-allemagne, L’architecture partagée

Voyage sur les deux rives du Rhin depuis le Musée d’art moderne et contemporain de Strasbourg qui présente l’exposition « Interférences/Interferenzen – Architecture. Allemagne-France, 1800-2000 », panorama inédit des interactions architecturales et urbaines entre les deux pays, des lendemains de la Révolution française et de l’Empire à nos jours.

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Riche de 400 œuvres et objets rarement exposés, l’exposition rend compte du dynamisme des « interférences » franco-allemandes à travers une grande variété de supports : croquis, dessins, photographies, films, peintures et maquettes. Chronologique, le parcours en zig-zag – scénographié par les architectes Frénak & Jullien – ménage également des approches thématiques tout en favorisant des croisements et des confrontations. À travers les neuf sections qui rythment l’exposition, les commissaires Jean-Louis Cohen et Hartmut Frank – qui incarnent « un regard croisé sur l’espace germano-français » –, ont cherché à mettre en lumière les débats qui ont agité les deux pays, du gothique jusqu’aux nouvelles perspectives européennes d’après la chute du Mur. Au cœur de l’ensemble, la ville de Strasbourg avec ses architectures remarquables fait l’objet d’un développement particulier.

Du classique à l’âge industriel

Au cours de la période intense de transformations politiques qui conduit de la Révolution française à la Monarchie de Juillet, pendant que l’Unité allemande s’ébauche, deux mouvements opposés voient les architectes français et allemands se croiser. Ainsi Paris attire les jeunes architectes qui visitent ses édifices et viennent s’y former tel Karl Friedrich Schinkel. Et à partir de 1853, la reconstruction de Paris entreprise par Haussmann sert de base aux stratégies d’expansion des agglomérations allemandes comme celle de James Hobrecht à Berlin dans les années 1860.

La question du logement de masse conduit, à l’initiative d’industriels et de philantropes, à des réalisations expérimentales. Le phalanstère de Charles Fourier et Victor Considérant inspire des projets comme l’Armenstadt de Wilhelm Stier à Berlin et le familistère de Jean-Baptiste Godin à Guise.

La guerre de 1870 aura des conséquences considérables sur la scène urbaine dans les territoires annexés d’Alsace-Lorraine, des plans ambitieux sont élaborés pour de nouveaux quartiers à Strasbourg et Metz. L’architecture du nouveau Reich reste marquée par le goût français. Mais le modèle haussmannien longtemps hégémonique est progressivement abandonné au profit de figures plus libres dans la périphérie des agglomérations ou s’accumulent les Mietkasernen.

D’une guerre à l’autre et retour à l’urbanité

Nietzsche est très lu en France, Henri Bergson connaît un grand succès dans l’Allemagne d’avant 1914. Les expositions fournissent des expériences d’échelle monumentale. La Jahrhunderthalle de Max Berg à Breslau répond en 1913 à la Galerie des Machines de 1889 et aux premiers bâtiments de béton de François Hennebique et Auguste Perret à Paris. Au même moment, le dispositif de la cité-jardin élaboré en Grande-Bretagne donne lieu à des réalisations d’ampleur à Hellerau, non loin de Dresde, ou Stockfeld dans la périphérie de Strasbourg puis à Staaken dans la banlieue de Berlin.

La Première Guerre mondiale conduit à la construction d’ouvrages militaires en béton armé et au développement de la standardisation des bâtiments. La modernité architecturale prend des formes différentes dans les deux pays qui s’observent. Tandis que l’École des beaux-arts reste hégémonique à Paris, le Bauhaus propose un nouveau modèle de formation. Le Werkbund obtient un grand succès avec la cité du Weissenhof à Stuttgart en 1927 puis au Salon des artistes décorateurs de 1930. Au lendemain de la guerre, les ensembles d’habitation modernes se diffusent dans l’Allemagne des années 1920 tandis que la reconstruction française fait une large place à la cité-jardin. Il faudra cependant plusieurs années pour que les Siedlungen de Francfort et Berlin inspirent des ensembles d’habitation de la région parisienne.

Après la nouvelle annexion de l’Alsace et de la Lorraine, un concours est organisé pour la création d’un Grand Strasbourg. Des modernes rhénans élaborent des édifices et des plans régionaux pour la Moselle. Après la capitulation du IIIe Reich, les Français élaborent des projets démonstratifs pour la Rhénanie et la Sarre occupées.

Le plan de Marcel Lods pour Mayence et celui de Georges-Henri Pingusson pour Sarrebruck déploient les figures géométriques proposées par Le Corbusier à Saint-Dié.

Entre la création des deux États allemands en 1949 et l’érection du mur de Berlin en 1961, les deux Républiques allemandes engagent une relation avec la France sur la question de l’industrialisation de la construction. Comme leurs homologues des ZUP mises en place à partir de 1953 en France, les Grossiedlungen des deux Allemagnes font appel au système de construction préfabriquée Camus.

Dans le domaine des grands ensembles, la recherche de solutions flexibles et la mise en cause du modèle dominant se produisent simultanément en Allemagne et en France. Le succès de Toulouse Le Mirail de Candilis-Josic-Woods est tel que ces derniers sont invités à participer à plusieurs concours allemands et obtiennent la commande de l’université libre de Berlin. Dans le même temps l’Allemand Martin van Treeck conçoit l’opération des Orgues de Flandre dans le 19e à Paris.

Depuis la Réunification de l’Allemagne, la mobilité des architectes, enseignants, étudiants et critiques s’est intensifiée dans toute l’Europe. Plusieurs architectes français ont participé à la modernisation de Berlin comme Jean Nouvel et Dominique Perrault. Les échanges dans les territoires frontaliers trouvent leur modèle dans les programmes communs d’extension le long du Rhin à Strasbourg et Kehl. Le jardin des Deux-Rives dont l’élément de liaison est la passerelle de Marc Mimram les symbolise.

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