Un particulier passe un contrat de vente portant sur la fourniture de béton en vue de la construction d’un bâtiment à usage industriel.
Le maçon déclarant ne pas savoir poser ce type de béton, le fournisseur dépêche un technicien sur place afin qu’il donne des instructions pour la pose de la dalle en béton, portant notamment sur l’inutilité de joints de fractionnement complémentaires.
Se plaignant de divers désordres, le maître d’ouvrage assigne après expertise le fournisseur en paiement de sommes le fournisseur, lequel appelle en garantie le maçon.
Condamné par la cour d’appel de Toulouse au paiement des frais de reprise de l’ouvrage, le fournisseur se pourvoit en cassation.
Le premier moyen du pourvoi reproche à la cour d’appel d’avoir appliqué la responsabilité décennale du fournisseur, attendu en premier lieu qu’il n’était pas lié au maître d’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage mais par un contrat de vente, en second lieu qu’en donnant des instructions au maçon il s’était contenté d’exécuter l’obligation d’information et de conseil attachée à sa qualité de vendeur et en troisième lieu qu’il ne pouvait être qualifié de fabricant d’élément pouvant entraîner la responsabilité solidaire (EPERS) au sens de l’article 1792-4 du Code civil dès lors que le béton n’avait pas été conçu et produit pour satisfaire à des exigences précises et déterminées à l’avance.
Le second moyen du pourvoi reproche à l’arrêt d’avoir rejeté la demande de garantie du maçon, sans rechercher si une faute pouvait lui être imputée.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère qu’en dépêchant sur le chantier un préposé afin d’assister au coulage du béton fourni et de donner des instructions techniques précises au maçon qui, ne connaissant pas ce béton, s’y était conformé, le fournisseur a participé activement à la construction et s’est comporté en maître d’œuvre de fait, de sorte que sa responsabilité décennale pouvait être engagée. Elle retient par ailleurs que la cour d’appel a légalement justifié sa décision de rejeter l’appel en garantie du maçon dès lors que les désordres étaient liés à la violation, sur les instructions du fournisseur, des normes techniques de maillage de joints de retrait.
Voici à notre sens une extension inédite de la responsabilité décennale des constructeurs au fournisseur d’un matériau de série (non qualifiable d’EPERS), sur le fondement de la maîtrise d’œuvre de fait.