C'est un accord qualifié d'"historique" qu'ont signé le vendredi 19 janvier dernier, Dominique de Villepin, premier ministre et Paul Vergès, président du conseil régional de La Réunion. Un accord qui porte sur le financement de deux grands projets d'infrastructures sur l'île : d'une part, une nouvelle route du Littoral entre Saint-Denis et La Possession ; d'autre part, une ligne de tram-train entre Saint Paul et la Mare (commune de Sainte Marie). Le budget cumulé des deux opérations dépasse les 2,2 milliards d'euros.
La route actuelle du littoral est un axe essentiel pour la vie économique de l'île puisqu'elle y dessert la principale agglomération et le premier bassin d'emploi. Elle supporte le trafic journalier de 55 000 véhicules (soit plus de 80 000 personnes) et 60% du fret de l'île. A 2x2 voies, elle serpente sur 12 kilomètres au pied des falaises, exposées aux fortes précipitations, aux houles cycloniques et aux éboulements. On estime que 10 000 tonnes de roche se décrochent chaque année des falaises dont 180 atteignent la route. Le 24 mars 2006, 35000 m3 de roche s'étaient effondrés, provoquant le décès de deux automobilistes et la fermeture totale de l'axe pendant un mois. Dans le cas de fortes pluies, les services de l'Etat exploitent la route en basculant la circulation sur une des deux chaussées, avec les perturbations qu'on imagine. Compte tenu des besoins croissants de déplacement dans l'île - la population devrait augmenter de 40% d'ici 2030 -, des travaux de sécurisation de la route ont été entrepris, notamment la pose de filets de protection dans le cadre du contrat de plan Etat-région 2000-2006. Mais ce 19 janvier, l'Etat et le conseil régional de la Réunion ont fait un premier pas vers une solution à long terme consistant en une nouvelle route du Littoral. Cette infrastructure sera construite sur digues (6,1 km) et viaducs (1,7 km) en mer, complétés par des tunnels (3,5 km). D'un coût total de 930 millions d'euros, elle sera réalisée en deux tranches ; la première lancée en appel d'offre "classique", la seconde étant prévue en concession. La nouvelle route du littoral sera positionnée à bonne distance de la falaise et à une hauteur tenant compte de la houle cyclonique, de l'élévation prévisible du niveau de la mer et des tsunamis. L'enquête d'utilité publique sera menée en 2008 pour une DUP et un début des travaux espérés en 2009. L'Etat en pilotera les études jusqu'au 1er janvier 2008 avant de laisser la maîtrise d'ouvrage à la région en même temps que la gestion des routes nationales.
Un PPP de grande ampleur
"Tandis que nous acceptons la compétence sur la route du Littoral, l'Etat participe au financement de l'autre grand projet de l'île, le tram-train", s'est félicité Paul Vergès. D'un montant de 1,3 milliard d'euros pour 40 km, ce second grand projet va être lancé en PPP. Cette première phase prévoit l'implantation de 25 stations, situées au plus près des lieux attractifs, entre Saint-Paul et Sainte-Marie. "Le projet de tram-train est le principal levier de l'aménagement régional, assure Pierre Vergès, vice-président de la région et P-DG de la SR21, société d'économie mixte pour le développement durable et la coopération régionale. Une étude réalisée par le cabinet Matharan-Pintat conclut à l'opportunité d'un PPP pour ce projet. Avec le protocole de financement signé entre l'Etat et la région, les subventions au projet sont clairement affichées. Nous avons élaboré un cahier des charges précis pour les futures rames du tram-train et veillerons en priorité à la qualité des services proposés." D'ores et déjà, plusieurs grands groupes ont fait connaître leur intérêt pour ce projet.
Techniquement, le défi est de taille. Le tracé retenu pour le franchissement du massif de la montagne franchit de nombreuses ravines et s'enfonce dans les sols volcaniques de l'île. Onze ouvrages d'art et deux tunnels de 3,5 et 4 km sont au menu des réjouissances. La réalisation d'un viaduc de 1.200m sur la ravine de la Grande Chaloupe est envisagée. Il pourrait s'agir d'un viaduc multihaubané (à l'image de celui de Millau) dont le tablier qui culminera à plus de 200 mètres devra s'affranchir de vents cycloniques atteignant 270 km/h.
Julien Beideler
Voir l'animation 3D du projet de tram-train
