De juillet à octobre, quatre brebis solognotes ont brouté les 2 450 m2 du parc Pasteur, dans un quartier populaire de Claye-Souilly. Elles ont ensuite poursuivi leur travail à proximité du canal de l’Ourcq, au nord de la ville. En 2016, quand la pousse des herbacées le justifiera, leur plan de charge comprend le bassin d’orage du lotissement du Champ-de-Claye, au sud de la commune. L’entrée de ces animaux dans la ville crée l’innovation la plus spectaculaire, pour l’entretien des espaces verts communaux déléguée à une entreprise privée dans le cadre d’un contrat quadriennal renouvelé en juin 2015. Partenaire historique de la commune depuis vingt-six ans, Mabillon a mis toute son énergie pour retrouver ce marché qui porte sur 1 507 ha, face à trois concurrents. Filiale de Segex depuis 2004 et rayonnant sur l’est de l’Île-de-France, l’entreprise est née dans la commune où elle a développé sa première compétence, centrée sur l’élagage, notamment en rideau, qui fait toujours partie de ses prestations. L’innovation écopastorale a contribué à son nouveau succès. Un premier argument concerne la fonctionnalité de l’espèce sélectionnée : « Les solognotes se distinguent par une appétence pour tous les végétaux : les ligneux comme les herbacés », précise Sylvain Fabiani, jeune conducteur de travaux. Mais la promotion de la biodiversité éclaire aussi le choix des solognotes : « L’espèce ne compte plus que 3 000 représentants au lieu de 300 000 en 1850 », rappelle l’ingénieur formé à l’Itiape de Lille, petit-fils d’un berger corse et fils d’une paysanne auvergnate.
Hautement domestiquées
La renaissance des solognotes fait partie des premiers objectifs de la fondation De Natura, qui réunit quatre entreprises de travaux paysagers, dont Tarvel : cette autre filiale de Segex, basée à Lyon, entretient 200 têtes. En accrochant son wagon à cette locomotive, Mabillon et son client communal participent à la création d’un troupeau mutualisé, dans le cadre du programme Geode (Génétique ovine et Développement), centré sur la préservation des espèces ovines, pour prévenir le risque de consanguinité. Claye-Souilly apporte à Mabillon sa seconde référence, après la communauté d’agglomération Est Ensemble (Seine-Saint-Denis). La consolidation de la nouvelle activité a convaincu l’entreprise de passer le cap des procédures qui lui donnent le statut d’éleveur. À côté des arguments fonctionnels et écologiques, l’aspect social de l’écopastoralisme fait également partie des objectifs communs à la collectivité et à l’entreprise : « Nos enfants risquent de ne plus savoir à quoi ressemble une vache », craint le maire Yves Albarello [lire son interview ci-dessus], qui a fait installer un poulailler devant la mairie. Retrouver le contact avec les animaux fait partie des moyens qu’il promeut pour mieux vivre en ville. En complément des solognotes, Sylvain Fabiani compte mobiliser un troupeau dit « HD » (hautement domestiqué), élevé par l’association des Bergers urbains, pour une transhumance festive programmée durant les vacances scolaires du printemps 2016. L’écopastoralisme forme la vitrine d’une démarche environnementale qui imprègne l’ensemble du marché quadriennal d’entretien. Sur le plan matériel, Mabillon est déjà passé à la motorisation électrique pour les souffleuses et les taille-haies en 2012, avec des outils de Pellenc et de Stihl. Pour l’arrachage des mousses de voirie, l’expérimentation lancée à l’automne dernier a porté sur le réciprocateur de Kawasaki. Parallèlement, Mabillon prévoit d’éviter au maximum les débroussaillages en période de nidification. La convergence entre l’entreprise et son client s’est nouée autour d’une culture environnementale accompagnée par la même ingénierie : comme Mabillon qui vise la certification Ecocert, la commune de Claye-Souilly s’est appuyée sur le bureau d’études Alisea pour formaliser son plan environnemental. Cette culture commune approfondit un partage des rôles bien rodé : l’externalisation de l’entretien libère la créativité des agents du service des espaces verts, qui s’expriment dans les projets neufs et l’animation du jardin qui entoure la mairie.

