Délais de paiement : passer de la bonne volonté à la contrainte

Invités à s’exprimer sur le rapport de l’Observatoire des délais de paiement, les représentants des entreprises du BTP se sont montrés intransigeants. Les chartes de bonnes pratiques ne suffisent plus !

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Délais de paiement

Non seulement 2012 n’aura pas été un bon cru en termes de délais de paiement - notamment dans la construction - mais le scénario qui s’annonce ressemble étrangement à celui de 2008, année de mise en place de la loi de modernisation de l’économie (LME).

Tensions entre les entreprises et leurs fournisseurs, notamment autour de la «facture récapitulative» et le projet de loi sur la consommation (voir notre article ici) ; tensions avec les banques pour obtenir des crédits de trésorerie ; tensions avec les assureurs-crédits qui ôtent leur couverture sans prévenir… Bien-sûr, la conjoncture économique en berne ne fluidifie pas la mécanique des délais de paiement mais «2012 a été l’occasion d’un dérapage qu’il faut rapidement stopper» a prévenu Jean-Hervé Lorenzi, président de l’Observatoire des délais de paiement, commentant la sortie du rapport annuel (voir notre article ici) lors d’une table-ronde le 28 février. «La question des délais de paiement est essentiel au fonctionnement de notre économie. Au total, 13 à 14 milliards d’euros reviendraient dans les trésoreries des entreprises si la LME était respectée». Pour les seules entreprises du  bâtiment, la note avoisinerait 5 milliards.

Les délais de paiement, une «comédie à la française»

Faut-il changer la loi ? «Surtout pas, répond Jean-Hervé Lorenzi. C’est une comédie à la française. Certes, le cadre est parfois imprécis mais il est inutile de retoucher la loi. Faisons-en sorte qu’elle soit respectée !»

L’Observatoire des délais de paiement a formulé treize propositions pour réduire les délais de paiement. Parmi les acteurs invités à les commenter, les représentants des entreprises du BTP se sont montrés les plus offensifs. «Il faut traquer les délais cachés et les pratiques abusives, assène Didier Ridoret, président de la FFB. Nous préconisons en particulier une solution simplissime : inclure les délais de vérification des factures dans les délais de paiement. De cette manière, le délai court dès l’émission de la facture et non pas après la vérification par le maître d’œuvre». Sur la proposition du rapport de demander aux fédérations professionnelles de promouvoir les chartes de bonnes pratiques, Didier Ridoret s’est montré sceptique. «Nous avons été moteurs sur le sujet, nous avons signé plusieurs chartes de bonnes pratiques sans que le résultat soit probant».

«Là où il n’y a pas de volonté politique, il faudra une solution informatique»

Egalement invité à s’exprimer, Bruno Cavagné, vice-président de la FNTP, a plaidé pour une application automatique des intérêts moratoires. «Pour des raisons commerciales évidentes, il est toujours difficile pour une entreprise d’appliquer les intérêts moratoires. Et comme il n’y a pas de volonté politique, il faudra nous en remettre à une solution informatique». C’est d’ailleurs l’objet de la proposition n°7 du rapport qui préconise la convergence des systèmes informatiques.

Bruno Cavagné a également prôné la généralisation des avances dans les marchés, à commencer par ceux soumis au Code des marchés publics. «C’est une pratique qui existe, parfois 5%, 10%, 20%... Mais cette avance est assortie de l’obligation faite à l’entreprise de fournir une garantie bancaire. Garantie que les entreprises fragilisées ne sont pas en mesure de produire et l’on débouche  sur une situation de blocage». L’instauration d’une avance sans garantie semble envisageable dès lors que la propriété des fournitures est transférée au maître d’ouvrage. La question du point de transfert de propriété va donc être étudiée. Elle intéresse également les entreprises de bâtiment comme les menuisiers qui produisent les produits avant d’en assurer la pose. Dans ce cas, l’achat des matières premières se trouve très éloigné de l’émission de la première facture. Il se posera la question de «réception provisoire» des ouvrages et également de transfert de propriété.

D’une manière générale, pour les entreprises du BTP, le temps de la bonne volonté doit faire place à celui de la contrainte. «Je ne suis pas  convaincu qu’il faille passer à un système coercitif, a toutefois conclu Jean-Hervé Lorenzi. Dans un premier temps, faire peser une menace de sanctions devrait produire des effets». L’Observatoire formule d’ailleurs deux demandes : une surveillance rapprochée des grandes entreprises classées au SBF120, pas toujours vertueuses, et l’audit par les cours régionales des comptes du comportement des vingt premières villes françaises.

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