Des trombes d'eau se sont abattues le 29 octobre dernier sur Valence et sa région, entraînant des inondations meurtrières.
Pourquoi la ville n'a-t-elle pas été impactée, contrairement à ses voisines ?
Complètement inondée en 1957, Valence a été épargnée cette fois-ci grâce à la présence, au sud de la ville, d'un canal de déviation du fleuve Turia réalisé dans les années 1960. En tant qu'architecte, je considérais cette opération de génie civil, décidée sous le régime du général Franco, comme un objet hors d'échelle, parce qu'il représentait une sorte de blessure dans le territoire. On s'est rendu compte ces jours-ci que ce chenal de 400 m de large avait sauvé Valence des eaux. Il était plein à ras bord, et cela alors qu'il peut charrier 2 millions de mètres cubes par seconde ! En revanche, les proches communes de Paiporta et Chiva n'ont pas été épargnées. Etant également traversées par des rivières et, donc, faisant face au même risque d'inondation, elles auraient pu et dû profiter du même type d'aménagement. Mais il semble bien sûr difficile d'imaginer construire de telles structures sur l'ensemble du territoire.
Pensez-vous que cette catastrophe aura des conséquences sur l'aménagement de la région ?
Dans chaque ville, tout le monde est à présent parfaitement conscient qu'il y a péril en la demeure avec les « barrancos », ces ravins qui les traversent. Des mesures devront être prises afin d'éviter une autre catastrophe de cette ampleur. Empêchons qu'une autoroute ou une voie de chemin de fer ne crée des digues qui transforment une vallée en chenal. Et imaginons plutôt des infrastructures perméables. Tâchons aussi de limiter les risques d'inondations en repensant la manière de dévier l'eau vers des espaces où elle pourra s'étendre de manière moins rapide et plus naturelle. Ça peut paraître une évidence, mais quand une rivière déborde de son lit, il faut lui laisser de la place.
Et aujourd'hui, c'est cette place qui lui manque.
L'urbanisation a-t-elle été maîtrisée au cours des dernières décennies ?
Je pense surtout qu'elle n'a pas été coordonnée. La ville et les villages se sont agrandis au gré de la croissance démographique, entraînant la réduction des terres agricoles alentour.
La « huerta », la plaine maraîchère de Valence, a perdu 50 % de sa surface depuis les années 1950, et donc autant de superficie perméable.
Mon inquiétude, et celle de la population, se porte sur l'avenir immédiat de cette « huerta » et du parc naturel de l'Albufera qui ont reçu tous les détritus charriés par les inondations, ainsi que la pollution associée. Les champs et le paysage lagunaire sont complètement ravagés. Une longue période de rétablissement sera nécessaire avant un retour à la normale.
Qui gère localement les questions relatives à l'urbanisme ?
L'Espagne est un pays très décentralisé.
Cependant, le gouvernement régional, critiqué pour sa gestion de la crise, ne s'occupe pas ou peu d'urbanisme. Ce sont les municipalités qui ont la main. Or, les maires n'ont pas forcément une vision globale d'un territoire au moment de prendre des décisions locales. A l'avenir, il faudra penser l'urbanisation non seulement par ville, mais aussi, comme cela se fait en France, par communauté de communes.
Cela permettra de prendre en compte le risque d'inondation, mais également la qualité urbaine et paysagère générale, à l'échelle de l'ensemble d'un bassin versant.