« Créer un paysage, c’est enrichir notre futur »

Nigel Thorne, président de l’EFLA -

À la tête de la Fédération européenne pour l’architecture du paysage depuis 2009, son credo est direct et précis : imposer une véritable reconnaissance de la profession de paysagiste auprès des maîtres d’ouvrage et
des élus. Une mission qui passe, selon lui, par une communication plus « agressive » pour faire admettre que le paysage est bien, comme le confirme l’intitulé des Assises européennes de Strasbourg, créateur de richesses.

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Unir les professionnels

— Quelles sont les missions actuelles de l’EFLA ?

— L’EFLA est un organisme « parapluie ». Elle regroupe les différentes associations de paysagistes à travers l’Europe. L’idée est d’avoir une organisation professionnelle unie, une structure qui se penche plus particulièrement sur les questions de formation et de pratiques professionnelles, une seule association par pays ayant la possibilité d’y adhérer. Nous voulons ainsi favoriser l’unité du plus grand nombre de professionnels, mais il est vrai que dans certains pays nous n’y sommes pas encore parvenus.

— Combien sont-elles à vous avoir rejoints ?

— Actuellement, nous rassemblons 33 pays avec 3 niveaux d’adhésion : celles que l’on qualifie de « normales », celles qui se trouvent en attente d’adhésion et enfin celles que l’on dit « affiliées » comme Israël qui ne fait pas partie de l’Europe.

— Aujourd’hui, quel est votre principal objectif ?

— Notre cheval de bataille, c’est incontestablement la promotion de notre profession afin qu’elle soit reconnue de la même façon dans tous les pays européens.

— Concrètement, comment agissez-vous ?

— Comme je vous l’ai dit, nous sommes dans une logique d’éducation et de formation. Ces deux notions sont indissociables et nécessaires. Nous intervenons par exemple dans les pays où la profession est encore émergente avec des missions d’assistance et de conseils. À l’autre bout de l’échelle, là où elle est suffisamment établie, nous « échangeons » sur nos compétences respectives.

Préserver la biodiversité

— Les cursus et les formations d’ajourd’hui sont-ils bien adaptés aux demandes actuelles en matière de paysage ?

— Globalement oui. Même dans les pays qui sont en phase de structuration.

— Quel regard portez-vous sur la Convention européenne du paysage de mars 2007 ? A-t-elle fait évoluer la situation environnementale du continent ?

— Au niveau européen, c’est l’une des avancées les plus importantes de ces dernières années. Pour notre profession, c’est effectivement un acte fondamental et très important, même si la plupart des pays qui l’ont signée n’ont probablement pas conscience de la signification réelle de cette convention !.. Néanmoins, elle a eu des retombées notables. Elle stipule ainsi de façon très claire que le paysage n’est pas uniquement de lieux d’exception. C’est aussi notre environnement de tous les jours ! Celui que nous fréquentons au quotidien. Je ne pense pas que les tous les gouvernements en aient bien pris conscience…

— Cela signifie-t-il qu’aujourd’hui, il soit nécessaire de former des paysagistes « différents » ?

— Non. La philosophie de notre profession n’a pas besoin de changer. Cela fait 30 ans que j’exerce ce métier et j’ai toujours appréhender mes projets avec le souci de favoriser le développement durable, de respecter et de préserver la biodiversité. Pour nous, paysagistes, ce n’est pas une nouveauté. Pour nos gouvernants, en revanche, c’est une découverte !!!!! Cela devient donc un levier pour convaincre les maîtres d’ouvrage.

Mieux communiquer

— Vous intervenez à des échelles très différentes, de la placette urbaine aux grands territoires… Y a-t-il plusieurs métiers chez les paysagistes ?

— Mais cela a toujours été ainsi ! Un paysagiste doit pouvoir passer de l’un à l’autre, des grands espaces aux créations intimistes. Ensuite, c’est bien entendu une question de choix personnel, de formation et d’expériences. C’est en cela que notre métier est merveilleux ! Le paysage est infini. Ce sont les hommes qui tracent des lignes rouges autour, mais lui, il ne s’arrête pas. Il faut avoir conscience de cette notion de globalité, de continuité. Ce que l’on fait sur un petit espace a forcément une incidence à côté. Nous devons donc avoir une approche globale. Le problème, c’est que les maîtres d’ouvrage ne connaissent pas toujours l’étendue de nos champs d’actions. C’est à nous de mieux communiquer.

— Est-ce facile d’être paysagiste en période crise ? N’est-ce pas plus compliqué de faire un travail de qualité ?

— C’est comme pour tous les métiers ! C’est en effet plus difficile d’obtenir des commandes, mais a contrario, le paysage est aujourd’hui mieux reconnu qu’auparavant, car c’est un enjeu important pour toutes les nations qui en prennent progressivement conscience. C’est à nous d’imposer le fait qu’il n’est pas question de dépenses ni de coûts. C’est une question d’investissement. On crée de la richesse. La dépense est une notion d’instant et celle d’investissement une notion d’avenir.

— Mais comment fait-on si l’on n’a pas beaucoup d’argent ?

— Mais… Un bon paysage ne coûte pas forcément beaucoup d’argent !

— Comment expliquez-vous que les paysagistes ne bougent pas beaucoup ? Peu d’étangers travaillent en France et vice versa…

— Pour ce qui concerne la Grande-Bretagne, ce n’est pas exact. Beaucoup de projets y sont initiés par des paysagistes étrangers avec par conséquent une influence continentale très forte. À l’inverse, je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de paysagistes anglais qui travaillent de l’autre côté de la Manche.

— L’EFLA s’est-elle rapprochée de Green City ?

— Pas immédiatement, je dois l’avouer, mais il s’agit d’un concept essentiel. Nous sommes en effet conscient, en tant que paysagistes, du rôle incontournable que doit jouer la végétation urbaine. Si l’on ne peut pas stopper le réchauffement climatique, on peut le ralentir, l’atténuer… Si l’on évoque souvent les moyens technologiques, la végétation a aussi un rôle important à jouer.

S’engager au niveau européen

— Envisagez-vous des rapports plus étroits avec Green City ?

— Oui, bien entendu. Pour commencer, l’EFLA a été invitée à devenir partenaire de Green City. C’est pourquoi nous allons signer ensemble une convention. Cette signature interviendra pendant la tenue des Assises européennes du paysage à Strasbourg.

— Qu’attendez-vous des Assises européennes du paysage ?

— Un véritable engagement au niveau européen. Nous allons apporter notre contribution et faire passer le message auprès des gouvernants et des décideurs que tout ce qui touche au paysage et le paysage lui-même est fondamental et qu’il y a un vrai risque de destruction si nous n’en prenons pas conscience. Tout ce qui concerne les projets d’urbanisme et l’amélioration des sites existants passe obligatoirement par un paysage de qualité. Si vous le maltraiter, c’est une faute envers les citoyens. Placer une route au mauvais endroit c’est dépenser inutilement l’argent public et ruiner le paysage. En revanche, planter des arbres aux bons endroits, c’est un vrai investissement pour l’avenir.

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