A Thiais, près d’Orly et de Rungis, un étrange monolithe de béton sombre aux arêtes arrondies surgit de la voirie et des parkings. Cet objet en R 1 de 35 m sur 35 m – un « centre bus » – accueillera bientôt le personnel de service et les machinistes (800 personnes, 24 h/24) ainsi qu’un poste de contrôle sécurisé qui pilotera le trafic de 300 autobus. « Dans ce contexte minéral, fait d’un patchwork de béton, d’asphalte et d’enrobé, le centre se déploie depuis la surface de l’aire de stationnement : il est un emboutissage du contexte, résume Dominique Marrec, architecte. De là est née l’idée d’une peau continue qui brouille les limites entre le bâti et les flux de circulation alentour, tout en offrant une identité visuelle très forte au site. » Et, de fait, l’utilisation massive du Ductal, le béton fibré à ultra-hautes performances (BFUHP) de chez Lafarge, a rendu possible cette symbiose complète du bâtiment avec son site et son socle. Mais alors que ces BFUHP sont souvent utilisés pour leurs prouesses structurelles, cette réalisation exploite ici le potentiel expressif et plastique du matériau. La peau de 3 cm d’épaisseur, teintée dans la masse a été texturée au moulage à la manière des briques de « Lego », par une trame pointilliste hérissée de picots de 24 mm de diamètre sur 7 mm de hauteur, réglés sur un pas de 12 mm.
Nappe de béton. Uniformément grise, la pellicule se déploie sur les murs et le toit du bâtiment, en bardage et sur tout son pourtour en pied. Cette nappe (44 m3 de béton) enveloppe dans un même mouvement les trottoirs et les façades pour se retourner en plafond, au-dessus des accès du bâtiment et se perdre dans le ciel, via des courbes et contre-courbes qui créent des effets de moirage.
La coque ainsi réalisée est régulièrement échancrée par des ouvertures où prennent place des vitrages extérieurs collés (VEC) superposant trame de points miroir et films de quatre couleurs : bleu, vert, jaune et orangé. Contrastant avec le gris du bâtiment, « ces incisions chirurgicales colorisées sont une reprise au premier degré des façades-rideaux clinquantes des sièges sociaux et enseignes commerciales de la zone industrielle alentour », précise Dominique Marrec.
Antidérapant, puisqu’hérissé des mêmes picots, le Ductal du tarmac de roulage des bus qui ceinture le bâtiment semble ainsi se déformer pour venir napper la carcasse du programme. « Le résultat est un bâtiment d’une grande homogénéité minérale, dense, inerte, énigmatique comme la coque d’un sous-marin russe affleurant dans les eaux de Mourmansk », poétise pour conclure Emmanuel Combarel.


