« Comment développer les infrastructures de transport en Europe ? »

Pour le vice-président administrateur référent du conseil d'administration de Vinci, le PPP, même s'il "n'est pas un outil magique" présente un intérêt considérable.

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BEM

Aujourd’hui, les Etats européens doivent résoudre une redoutable équation. D’un côté, satisfaire les besoins et les attentes de populations de plus en plus nombreuses, de plus en plus urbaines, de plus en plus désireuses de mobilité mais aussi de plus en plus vieillissantes. De l’autre, trouver quelques centaines de milliards d'euros d'investissements pour réaliser les infrastructures (lignes à grande vitesse,équipements sportifs, réseaux routiers, établissements scolaires, maisons médicalisées, etc.) permettant de répondre à ces attentes.

Or le niveau élevé des dettes publiques et le nécessaire besoin d'assainissement budgétaire limitent les gouvernements dans leur capacité à financer sur fonds uniquement publics tous ces projets d’investissement.

Certains diront que les autorités publiques doivent différer les investissements qu’elles ne peuvent pas financer elles-mêmes. Mais ce malthusianisme économique obèrerait le développement économique, détruirait des emplois et frustrerait les populations. En fait, c’est plutôt la recherche d’une meilleure allocation des fonds publics ainsi que leur combinaison avec des financements privés qui est devenue un enjeu central pour une performance optimisée des infrastructures et services de demain. Dans cette perspective, la réussite de Partenariats Public-Privé (PPP) représente un pilier majeur de la résolution de l’équation posée aux Etats européens.

Les échanges d’expériences dans la réalisation des projets d’investissement en PPP ont été au coeur des discussions lors de la réunion informelle des ministres des transports de l’Union européenne, organisée les 5 et 6 septembre derniers à Sopot en Pologne. Participaient aussi le vice-président de la Commission européenne en charge de ce secteur, M. Slim Kallas, le président de la commission « transports » du Parlement européen, M. Brian Simpson et le représentant de la Banque Européenne d’Investissement, Maj Theander. Il m’a été donné le privilège d’y présenter les enseignements tirés de notre expérience dans la réalisation des projets d’infrastructures en PPP.

VINCI peut se targuer, sans prétention, d’une légitimité certaine en la matière avec de belles réalisations comme le pont Rion-Antirion en Grèce, l’autoroute R1 en Slovaquie, l’autoroute A4 en Allemagne (région de Thuringe), le déploiement GSM Rail en France ou le projet de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique entre Tours et Bordeaux en France.

Les atouts d’un PPP sont clairs : un gain de temps pour le donneur d’ordre et des délais de réalisation tenus, un budget maîtrisé et connu à l’avance, une efficacité économique et une meilleure prise en charge du développement durable : faire la conception et la construction d’un ouvrage qui devra être géré et entretenu par l’opérateur privé sur une longue période constitue une formidable incitation à être ingénieux et innovant, à atteindre une meilleure performance énergétique, à optimiser la qualité de la construction pour minimiser les coûts d’entretien et rendre optimale l’exploitation. Les avantages liés aux PPP permettent donc d’instaurer, dans la durée, une relation « gagnant-gagnant-gagnant » :

· les citoyens profitent d’infrastructures qui ne verraient pas ou tardivement le jour ;

· les collectivités, en déléguant les phases techniques et opérationnelles, peuvent se concentrer sur leurs missions régaliennes ou de service public et sur la supervision des projets. De plus, le choix de la solution PPP vient soulager les budgets publics, dans une période où le niveau de la dette publique (qui est passée de 20 % en moyenne dans les années 1970 à 80 % en moyenne du PIB aujourd’hui) réduit considérablement les marges de manoeuvre budgétaires des autorités publiques ;

· enfin, les acteurs privés, font bénéficier la collectivité de leur expérience et de leur expertise en conception et en gestion de projet.

Ainsi, les entreprises renforcent leurs assises sur le long terme.

Il y a néanmoins des conditions incontournables à la bonne réussite d’un projet en PPP. Elles sont au nombre de cinq :

· première condition : s’assurer de l’utilité socio-économique du projet en termes de croissance économique induite, de création d’emplois, d’aménagement du territoire, de sécurité… Ici plus qu’ailleurs, et demain plus encore qu’hier, les éléphants blancs n’ont pas leur place !

· deuxième condition : faire le bon choix contractuel entre les différentes formes de PPP, la décision étant guidée par les modalités de partage des risques ;

· troisième condition : prévoir une procédure d’appel d’offres adaptée à la nature des projets, au type de PPP et aux spécificités du pays. Un appel d’offre fondé sur les seuls critères de prix n’est pas garant de l’efficacité économique du projet en matière de PPP ;

· quatrième condition : sécuriser le montage financier grâce à cette notion « public-privé ». Aujourd’hui, certains projets ont besoin du soutien et de la garantie des Etats pour bénéficier de financements de long-terme. De plus aux côtés des banques commerciales, l’implication de banques de développement ou d’établissements institutionnels (tels que la BEI, la BERD, la CDC) permet des montages financiers complexes mais solides ;

· cinquième condition : prévoir l’adaptabilité du contrat pour pouvoir ajuster le projet au contexte dans lequel il évolue. Ce que ne permettent pas les contrats en maîtrise d’ouvrage publique.

En 2010, dans l’Union Européenne, la valeur des transactions en PPP de type PFI (private finance initiative) et assimilés (contrats de partenariat), dont le bouclage financier a été réalisé s’est élevée à 18,3 milliards d’euros pour 112 projets. Cela ne concerne pas toutes les formes de PPP mais il est intéressant de noter que la part des projets de transport dans la valeur globale de ces projets s’est élevée à près de 50 %. Aujourd’hui pour un certain nombre d’infrastructures de transport et d’aménagement du territoire, quand les conditions sont réunies, le recours au PPP est une solution efficiente. Pour accélérer les choses tout en encadrant ces dispositifs, il faut consolider le cadre réglementaire européen : à cette fin la Commission européenne vient de présenter un projet de directive sur les concessions de services. De plus, une meilleure coordination/utilisation des fonds privés et publics européens (fonds structurels et fonds de la BEI) doit être également recherchée : une proposition de la Commission « Project funds » est attendue en ce sens. Les États membres de l’Union Européenne reconnaissent aujourd’hui le besoin de l’élaboration, au niveau européen, d’un catalogue de bonnes pratiques en matière d’application des PPP. La Commission entend proposer des mesures concrètes afin de soutenir les PPP ainsi que leur inclusion au financement communautaire du réseau global RTE-T.

Le PPP n’est pas un outil magique mais aujourd’hui son intérêt est de mieux en mieux perçu. La situation économique européenne impose d’accélérer le mouvement.

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