Deux niveaux avec espaces en double hauteur, 42 m de long, 17 m de large, pour un projet incluant chai, cuverie, atelier de confitures… En fait, rien de bien particulier, si ce n’est l’atmosphère du lieu, propriété du monastère de Solan (Gard).
Réalisé en pierre massive pour les ouvrages verticaux et en pin douglas pour les structures horizontales (planchers et toiture), le bâtiment affiche une retenue toute monacale. « L’architecture se concentre sur l’essentiel de la vie monastique : le silence, la lumière, la matière et le sens », explique Gilles Perraudin, architecte. « Entre grâce et pesanteur, la façade adopte une trame verticale rythmée de fentes lumineuses. A la manière d’une colonnade, nous avons joué sur la pose verticale des blocs de pierre de 0,50 m de large sur 1,05 m x 2,10 m pour créer, sur 6,30 m de hauteur (soit trois blocs), un rythme de 0,50 m de plein et de 0,25 m de vide. »
Dans les espaces privatifs (bureaux, vestiaires), le rythme des vides a été doublé pour profiter de l’orientation à l’est et de la vue sur le potager. Les vides entre colonnes sont traités par des vitrages simples dans un profil acier ou par des ventelles en pin de 27 mm d’épaisseur dans les locaux de séchage du raisin pour le vin paillé.
Les blocs de pierre pour guides
« Sur un plan structurel, précise Gilles Perraudin, la façade joue le rôle d’une façade légère. La stabilité de l’édifice est obtenue par des murs de refends en blocs de 0,50 m x 1,05 m x 2,23 m, qui assurent le contreventement et reprennent les planchers en pin douglas supportant des charges d’exploitation de l’ordre de 600 kg/m2, ainsi que par les toitures. »
Les planchers bois se composent simplement d’un plateau massif de 4 cm d’épaisseur reposant sur des poutres en bois massif engravées dans la pierre. En toiture, ce plateau est surmonté d’un chevronnage avec une pente de 5 %, revêtu d’un complexe de 40 cm d’épaisseur (isolation en laine minérale et graviers). « De l’espacement des blocs de pierre découlent directement les dimensions des poutres en bois, soit 12,50 cm de largeur pour 0,25 m à 0,40 m de hauteur en fonction de la portée à franchir », souligne Gilles Perraudin.
Autoconstruction
Le chantier proprement dit a été conduit par le père Theotokis, un moine orthodoxe, qui a mobilisé des aides ponctuelles pour chacun des lots. Posés sur des fondations en béton, les 1 500 blocs – qui pèsent entre 2 et 6 tonnes chacun – ont été hissés à la grue mobile, posés sur des cales en bois pour ménager un espace de 10 mm, et enfin jointoyés à l’aide d’un mortier de sable et de chaux aérienne.
« La conception de ce bâtiment, explique Gilles Perraudin, s’inscrit dans l’ambition de redonner à la pierre sa place de matériau à part entière dans l’architecture contemporaine. Au plan environnemental, la pierre est véritablement écologique : sa fabrication ne consomme aucune énergie, elle n’émet aucun polluant, et n’impose aucun traitement de finition grâce au calcin qui la protège naturellement. Autre atout : son inertie, indispensable au confort des utilisateurs et, ici, à la maturation du vin. Enfin, avec des épaisseurs comprises entre 1,05 m et 1,20 m, un mur en pierre se dispense d’isolation rapportée. »

