Bien plus qu'une remise de prix : un passage de relais. D'un côté, Christian de Portzamparc, figure tutélaire à la carrière étincelante et président du jury. De l'autre, les jeunes architectes de l'agence PNG, associés à Julien Boidot et Emilien Robin, recevant des mains du premier la consécration suprême. L'Equerre est d'argent, mais les cheveux ne sont pas gris.
Bien plus qu'un palmarès : un putsch. La nouvelle garde s'impose sans complexe comme la grande gagnante des prix d'architecture 2021 du « Moniteur » et d'« AMC ». Des Nantais de Titan à la Marseillaise Kristell Filotico, en passant par les Parisiens de NeM ou de Mars, les maîtres d'œuvre primés ont la trentaine fringante ou la quarantaine débutante. Et que dire des nommés au prix de la Première œuvre, réservé aux moins de 35 ans ? « Une génération exceptionnelle », s'émerveille le président du jury. Une génération débrouillarde, apte à générer sa propre commande, en cultivant des liens avec la maîtrise d'ouvrage ou en labourant un champ d'action émergent. Une génération enchanteresse, capable de produire « un rêve fou » comme ces ateliers d'artistes auto-construits, lauréats du prix.
La nouvelle garde s'impose sans complexe comme la grande gagnante de l'Equerre
Bien plus qu'un témoignage : un manifeste. Cette nouvelle vague embrasse d'instinct les enjeux d'aujourd'hui. Le bas carbone et les circuits courts sont pour elle d'une telle évidence que ces contraintes ne corsètent en rien le soin apporté à l'esthétique et à l'usage. Bref, elle développe une véritable architecture, riche et ambitieuse, celle de son époque. Pour cela, elle puise ses influences en dehors de tout effet de mode, de toute école, de tout dogmatisme. Elle ne s'enferre pas non plus dans un jeunisme exclusif, comme en témoigne le trio intergénérationnel NeM/ Pierre-Antoine Gatier/Tadao Ando, auteur de la transformation éclatante de la Bourse de commerce à Paris.
Bien plus qu'un couronnement : une onction. Si elle honore l'aboutissement d'un projet, l'Equerre d'argent signe dans le même temps un nouveau départ professionnel. En 1988, elle distinguait avec perspicacité un jeune architecte talentueux de 44 ans du nom de Christian de Portzamparc. La suite de son parcours parle d'elle-même. Le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est bon, on est bon.
