Au Potager du roi, le chantier du siècle se prépare

Le potager du roi contribuera à un programme de recherche mondial sur les jardins historiques face au défi climatique. Le 16 juin, le World Monument Fund a profité de la biennale d’architecture et de paysage en cours à Versailles pour annoncer cette participation du site géré par l’Ecole nationale supérieure de paysage.

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Table du climat
Oeuvre de l'agence TER pour la biennale d'architecture et de paysage de Versailles; la table du climat trace l'axe central du Potager du roi, sur 300 m de long.

La Table du climat articule le local et le mondial, le végétal et le minéral, le passé et le futur. Sur 300 m qui tracent l’axe central du jardin nourricier de Louis XIV, l’œuvre de l’agence de paysage TER relie la grille du Roi à la Porte d’Anjou. Ses graphismes et ses textes en noir sur fond jaune la désignent comme une contribution à la troisième édition de la biennale d’architecture et de paysage (BAP) en cours jusqu’au 13 juillet sur cinq sites de Versailles.

Métaphore du paysagiste au travail

Dans sa traversée du Potager du roi, la table rappelle que ce lieu fonctionne comme une machine climatique, ainsi décrite par Ivan Thé, jardinier en chef : « Ses murs utilisés comme des radiateurs affranchissent les jardiniers de la loi des saisons, comme le veut le roi Soleil ». Les deux portes reliées ouvrent sur deux univers opposés, tous deux estampillés du sceau royal : d’un côté la fraîcheur de la pièce d’eau des Suisses, joyau du domaine de Versailles dessiné par Lenôtre, et de l’autre la ville minéralisée et surchauffée en ce début d’été précoce, autour de la cathédrale Saint-Louis construite par Mansart.

Ivan Thé
Ivan Thé Ivan Thé

Ivan Thé, jardinier en chef, rêve de ramener l'ombre des arbres au centre du potager, comme aux XVIIème et XVIIIème siècles

« L’œuvre symbolise la table de travail des paysagistes, qui mettent toutes les facettes de leurs compétences au service des réponses au défi climatique. Le contact de la poussière et de la chaleur ne leur fait pas peur. Le lieu d’échanges ouvert sur le monde favorise l’émergence de projets partagés », s’émerveille Alexandra Bonnet, gestionnaire du Potager du roi en sa qualité de directrice de l’Ecole nationale supérieure du paysage.

L’annonce d’une métamorphose

Au moment où s’accélère le chantier du siècle qui doit métamorphoser le site d’ici à 2030,  la table du climat en porte l’augure. Son parcours rappelle les trois précédents : en 1683, la grille du roi constitue l’unique entrée du jardin nourricier pensé comme une scène de théâtre que Louis XIV surplombe, depuis les terrasses ; en 1787, la Porte d’Anjou ouvre un accès aux jardiniers, depuis la ville ; entre ces deux extrémités, l’Ecole nationale d’horticulture a aplani le terrain et supprimé les grands arbres, pour rationaliser l’exploitation à la fin du XIXème siècle.

Autour du bassin central, le retour de l’ombre devrait marquer le quatrième chantier du siècle, en retard d’une quarantaine d’années sur les trois premiers. La réécriture en cours du schéma directeur devrait conforter cette orientation. Marque de fabrique du paysage, l’interdépendance entre le minéral et le végétal dicte le phasage : avant de planter 1 500 arbres fruitiers, il faut finir de restaurer 4 km de murs et 1,5 km de ferrures. Engagées dès les années 2000, ces opérations ont souffert de budgets frugaux et aléatoires : les trois quarts des lignes de palissage du Grand carré restent à renouveler.

Accélération en cours

Depuis la création du poste de « chef de projet chantier du siècle » occupé à partir de l’été 2024 par Guillaume de la Broïse, ancien directeur de la communication de Bouygues Immobilier, les signes d’un changement de braquet s’accumulent. « Entre les conventions en instance et les financements déjà acquis, nous sommes prêts à injecter 10 à 15 M€ à court terme, tout en sachant que cette première étape ne nous mènera pas au bout, loin de là », précise-t-il.

Grille du roi
Grille du roi Grille du roi

La restauration de la grille du roi, en 1990, a lancé le partenariat entre l'école du paysage et le Fonds mondial pour les monuments.

L’accélération a commencé dès l’an dernier, avec la restauration de la toiture des bâtiments historiques et celle de l’ancienne forge désignée comme futur centre d'interprétation du patrimoine, et financée par le World Monuments Fund (WMF). Ces prémices s’ajoutent aux négociations avancées dans le cadre du prochain contrat de plan, aux budgets réservés par le ministère de l’Agriculture et à l’épargne accumulée par l’école.

Du paysage au jardin

La création de l’Ecole supérieure des jardins, sous l’égide de l’ENSP, contribuera également à renforcer l'institution, en la repositionnant dans le champ et l’échelle de l’horticulture, en complément des horizons plus vastes ouverts par le paysage. La nouvelle entité accueillera en septembre sa première promotion d’élèves candidats au diplôme de maître jardinier, atteignable au bout d’une année de formation.

Mais dans la foulée de la BAP, l’espoir se focalise surtout sur la nouvelle convention annoncée pour juillet avec le WMF, collecteur des financements apportés par le mécénat. Dès 1990, l’ENSP et l’Organisation non gouvernementale (ONG) basée à New-York avaient scellé leur partenariat à l’occasion d’une première restauration de la grille du roi.

Fusion entre nature et culture

Le 16 juin, les liens se sont renforcés avec l’annonce de l’intégration du Potager du roi, parmi les six premiers sites retenus pour participer à « Cultivating resilience ». A l’issue d’une deuxième sélection, ce programme soutiendra 55 projets consacrés à l’adaptation des jardins historiques au changement climatique.

« Chaque site bénéficiera d’une assistance technique à l’élaboration de son plan d’adaptation. Il en ressortira un guide destiné à l’ensemble des gestionnaires de jardins patrimoniaux », annonce Meredith Wiggins, directrice de l’adaptation climatique au WMF. Cette première incursion de l’ONG dans le monde du végétal bénéficiera de l’expertise acquise dans les monuments en dur : « La nature et la culture forment un tout, et dans la protection des monuments, nous le remarquons surtout à travers la question de l’eau », note Meredith Wiggins.

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Date de réponse 16/10/2025