Qui veut évoquer l'intervention réussie d'un architecte, d'un urbaniste ou d'un paysagiste dans une ville cite spontanément Nantes et Alexandre Chemetoff. Qui aurait arpenté l'île de Nantes il y a une quinzaine d'années et y reviendrait seulement maintenant ne la reconnaîtrait pas. Plus exactement, il serait ravi des transformations subtiles opérées sur ce territoire chargé d'histoire qu'Alexandre Chemetoff s'est ingénié à revivifier. Ceci est bien connu. En revanche, le fait que le contrat qui liait la Samoa (Société d'aménagement de la métropole ouest Atlantique) à Alexandre Chemetoff ait été résilié dans des conditions dénoncées par l'architecte l'est un peu moins. Voici ce qu'il nous en a dit...
"Quels sont nos torts ?"
"La Samoa vient de signifier, par courrier, la fin, à nos torts, des missions qui nous ont été confiées à l'exception de celles portant sur les travaux engagés. Cette position de la Samoa manque de sens et de bon sens. Le 8 septembre dernier, son directeur général déclarait à Presse Océan : "C'est un très grand projet, magnifique. Alexandre Chemetoff a réalisé un apport essentiel tant pour sa pensée que pour sa réalisation. La qualité de la réalisation d'Alexandre Chemetoff est rare et a permis de développer un projet hors du commun, une première dans l'histoire de l'urbanisme en France". Trois mois plus tard, le même directeur notifie la résiliation de notre contrat à nos torts. Dans le même temps, la Samoa nous demande de continuer les chantiers en cours ou qui vont prochainement commencer et donc de poursuivre des projets, à ses côtés, durant plusieurs années encore.
Quels sont nos torts ? Avons-nous eu le tort de mener à bien un projet de transformation de l'île depuis l'est jusqu'à l'ouest pendant près de dix ans, aux côtés de la ville, puis de la communauté urbaine, puis de la Samoa ? Avons-nous eu le tort de dire toujours notre point de vue pour qu'un projet de ville soit toujours en relation avec la vie quotidienne ? Avons-nous eu le tort de réaliser les projets d'espaces publics qui nous ont été confiés dans des temps courts, dans les budgets fixés ? Avons-nous eu le tort de chercher partout, dans les logements comme dans les lieux de travail, dans les espaces commerciaux comme dans les lieux de loisirs et de promenades ou encore dans les établissements d'enseignement, les raisons d'être à Nantes aujourd'hui, de réinventer une économie et une identité de la ville ?
Avons-nous eu le tort de faire ce que nous avons fait pour que Nantes soit fidèle à elle-même et différente ? Avons-nous eu le tort d'avoir, avec la confiance des élus et du maire, réalisé un des plus importants projets urbains en Europe et envisagé autrement la manière dont la question urbaine peut être posée ? Avons-nous eu le tort de vouloir rester fidèles à notre engagement, à la méthode que nous avons initiée, avec la Samoa, sur l'île de Nantes, une méthode qui place le projet au centre des discussions et des décisions ?
La Samoa peut changer d'avis ; elle veut changer de méthode, d'objectifs et de partenaire. Nous l'avons lu et nous l'avons entendu. Pourquoi la Samoa décide-t-elle alors de résilier le contrat qui nous lie à nos torts si ce n'est pour se soustraire à ses obligations contractuelles ? C'est injuste et sans fondement. En réalité, notre tort porte un nom : c'est l'île de Nantes. L'île parle et dit tous nos torts, ceux déjà commis et ceux à venir. L'île telle qu'elle a été transformée, l'île avec ses nefs et ses chantiers, ses rues, ses boulevards, ses places, ses parcs, ses squares, ses quais, ses berges, son bassin, et la cohabitation de ce qui est nouveau et de ce qui était déjà là."
Débat
Pour ceux qui y ont assisté le 19 mai 2009 à Paris, le débat passionnant mené lors d'un "Défi de ville" organisé par la Cité de l'architecture et le Moniteur à propos de Nantes reste un grand moment. Il réunissait Alexandre Chemetoff et le maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault. La relation maître d'ouvrage-maître d'œuvre paraissait solide. Alors que s'est-il passé ?
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Pour en savoir plus, lisez cepremier articleet cedeuxième articledu site Internet www.nantes.maville.com