Il faut, pour y parvenir, pénétrer dans la profondeur de la parcelle et marcher sur une cinquantaine de mètres le long d’une allée privée. Une configuration due à la division d’un terrain autrefois unitaire. Là, en fond d’îlot, l’architecte Frank Salama a construit une villa contemporaine aux formes géométriques franches dont les volumes s’inscrivent dans la tradition d’un bâti de fond de parcelle. Ainsi, sur le côté droit, un volume rectangulaire, mince, long et opaque, recouvert d’un enduit taloché gris, abrite la cuisine et la chambre d’ami. Il délimite la propriété aussi discrètement que le ferait un mur de clôture un peu épaissi. Dans le sens transversal, la maison s’affirme au contraire comme une cabane suspendue, recouverte d’un bardage constitué de bois recyclé stratifié (Resoplan, distribué par Tendanciel Decor). L’architecte y a placé la zone privée de la maison, trois chambres pour les parents et les enfants. Une seule ouverture, dans l’axe de l’allée, permet aux parents de voir, depuis leur chambre à coucher – et très précisément depuis leur tête de lit – jusqu’à l’entrée de leur parcelle tout au bout de l’allée. Avec les contraintes d’une implantation arrière, Frank Salama a proposé de travailler une architecture qui tire parti de l’étirement du terrain en profondeur. Il a disposé les volumes et choisi les matériaux de manière à éviter un nouvel émiettement du parcellaire.
L’architecte s’est également efforcé d’effacer au maximum les limites entre intérieur et extérieur. Tout d’abord, l’allée qui conduit à la maison se poursuit sous elle – emprise du parking ouvert – et file jusqu’au bout du terrain. Ensuite, la façade du salon à rez-de-jardin est traitée comme un voile souple et translucide, au moyen de trois pans en verre sablé, disposés en redents et assemblés par collage, sans châssis intermédiaires verticaux (verre feuilleté PS 100 de chez Pilkington). Cette façade vitrée traduit le désir d’une limite quasi impalpable entre la maison et le jardin, apparaissant, selon le désir de l’architecte, « comme une peau fine et translucide, un voilage derrière lequel serait venu se lover le salon et dont on s’attendrait presque à voir bouger les pans sous l’effet du vent ». Car Frank Salama, très influencé, de son propre aveu, par l’architecture japonaise, affirme rechercher avant tout « l’effacement de la limite, l’échange avec la nature et le caractère évanescent des choses ». Mais il trouve par là aussi une manière de répondre élégamment aux contraintes du règlement d’urbanisme de la parcelle, la distance à la limite séparative étant, sur cette façade, insuffisante pour autoriser les vues vers l’extérieur. Côté sud, de l’autre côté de la maison, une triple baie coulissante permet, au contraire, une ouverture maximale du salon sur le dehors. La dalle béton du premier étage ayant été calculée pour franchir sans appuis intermédiaires neuf mètres de portée, aucun poteau ne vient perturber cette interpénétration des espaces bâtis et non bâtis. Enfin, un subtil jeu de rappel au niveau des matériaux apporte la touche finale à cette recherche d’une osmose permanente entre intérieur et extérieur. Telles, les dalles du sol intérieur qui se poursuivront prochainement sur la terrasse, tel le bois des façades rappelé à l’intérieur sur le panneau séparant le salon de la cuisine.
Des contraintes de fondde parcelle. L’implantation en fond de parcelle représente une contrainte forte, non seulement en raison des règles de prospect imposées, mais aussi des limitations sur la hauteur du bâti (ici limitée à 2,50 m sur toute la périphérie du terrain). Heureusement, la présence providentielle d’un mur mitoyen s’élevant à R 1 sur l’un des côtés du terrain a permis à l’étage des chambres de venir s’y adosser. De l’autre côté, le long volume gris à rez-de-chaussée a strictement respecté la règle au point de devenir aussi discret qu’un local de services. Et encore a-t-il fallu, pour obtenir à l’intérieur une hauteur sous plafond confortable, décaisser le niveau général du terrain naturel de 0,50 m.
Pour gagner enfin en espace habitable, sans pour autant saturer le terrain de constructions basses, l’architecte a eu l’idée de créer un sous-sol qui tire parti de ses murs aveugles pour en faire une véritable pièce à vivre : un refuge en hiver, une cave fraîche en été. Ceci par la grâce de ses deux murs longitudinaux dont la matière brute et massive (béton apparent) se trouve baignée de lumière : d’un côté, par la trémie d’escalier qui le relie au salon supérieur et, de l’autre côté, par l’inclusion dans le plafond d’un long pan de verre clair qui fait rentrer directement la lumière du sud dans les profondeurs du logis.





