Vous avez mené à bien la signature du contrat de partenariat (CP) de l’Insep. Pourquoi avoir choisi d’utiliser ce nouvel outil ?
Parce que le projet est particulièrement complexe. D’un point de vue urbanistique tout d’abord. L’Insep est situé sur une zone du bois de Vincennes qui est à la fois classée naturelle par le plan local d’urbanisme et protégée par la (2). Deux incidences concrètes : les extensions de surfaces nouvelles sont très limitées et les surfaces existantes ne peuvent qu’être réhabilitées, et les bâtiments issus des années trente préservés dans le cadre du projet de rénovation. Autre difficulté : la propriété du bâti est dissociée de celle du sol. Les terrains sur lesquels est installé l’Insep appartiennent à la Ville de Paris, tandis que les constructions et aménagements réalisés sur le site sont la propriété de l’Etat ! Il est par ailleurs nécessaire d’assurer la continuité du service aux sportifs. Les entraînements pour les Jeux olympiques de 2012 doivent débuter dès 2008. De stricts délais doivent donc être respectés pendant la phase de réhabilitation des bâtiments et une organisation en tiroirs a dû être imaginée pour garantir le maintien de l’entraînement en site occupé.
La part des services confiée au privé est importante. Est-ce entré en ligne de compte ?
Tout à fait. Les besoins de gestion et d’exploitation concernant l’entretien du site, et notamment les espaces verts, mais aussi l’hébergement, la blanchisserie, le nettoyage, la restauration, l’accueil, le traitement des déchets, la sécurité représentent 2/3 du loyer annuel au final. Un des objectifs du cahier des charges était d’ouvrir le site sur l’extérieur. Ces éléments sont autant de contraintes qui ont conduit les conseils du ministère des Sports à justifier le recours au CP dans le rapport d’évaluation réalisé au cours du premier semestre 2005. La mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat a validé cette position, fin octobre 2005, estimant notamment que « la prise en compte des risques de dérive des coûts de construction et d’exploitation donne un avantage de 8 % à 9 % au CP par rapport au meilleur des modes classiques ».
Combien de temps s’est écoulé entre la publicité et la signature du contrat ?
Un an et demi. Nous avons publié l’avis d’appel public à concurrence les 11 et 12 juillet 2005 et signé le contrat le 22 décembre 2006. C’est vraiment rapide, car les candidats devaient répondre à un marché complexe. Le CP porte en effet sur 30 000 m2 de Shon à réhabiliter, 80 000 m2 de bâti et 200 000 m2 d’espaces extérieurs à maintenir et exploiter. Parallèlement, 1 000 repas par jour et 470 lits sont à gérer !
Comment s’est déroulé le dialogue compétitif ?
Six candidats se sont présentés. L’un d’eux a été écarté pour irrecevabilité de son dossier. Nous avons ensuite demandé aux cinq autres candidats (voir tableau page 47) de préparer une offre sommaire présentant les principes organisationnels du partenariat pour février 2006. Nous ne leur avons pas soumis de contrat à ce stade de façon à pouvoir focaliser l’analyse sur le contenu technique des propositions. Un dialogue compétitif en trois étapes s’en est alors suivi. Une première série de séances en février/mars a permis d’examiner les propositions des candidats en séance plénière. La candidature de Meunier Promotion n’a pas été conservée. Le dialogue a porté, lors de la deuxième série menée en mai, sur la proposition prévisionnelle sommaire de chacun des candidats restants. Enfin, une dernière série de séances s’est déroulée, en juin, pour préciser leur projet sur les aspects architecturaux et techniques, le contenu de l’offre de services et maintenance et les aspects juridiques et financiers. Nous avons ensuite adressé un dossier d’offre finale à chaque candidat, à la mi-juillet, pour leur faire préciser leur offre définitive et intangible à partir des éléments qui avaient fait l’objet du dialogue.
Quels sont les éléments qui ont pesé en faveur du groupement mené par GTM construction retenu ?
L’offre du groupement de GTM construction (Adim) présentait deux atouts principaux au regard des cinq critères d’appréciations retenus. Le critère de la qualité architecturale et de l’insertion dans le site, d’une part, et le critère du coût global de l’offre, d’autre part. Outre le montant total du bail fixé par GTM et consorts au niveau le plus bas par rapport aux autres concurrents, la commission de classement des offres a été particulièrement sensible à sa proposition de permettre un accueil spécifique pour des séminaires de formations. Cette utilisation judicieuse du site en période creuse génère des recettes annexes qui ont permis d’améliorer la qualité du service.
Qu’est-ce que le CP a permis de réaliser qu’un autre type de contrat n’aurait pu faire ?
Nous avons pu avoir une vraie réflexion en coût global, ce qui est loin d’être évident dans le schéma de loi sur la maîtrise d’ouvrage publique (MOP) que je connais bien. Dans un contrat de partenariat, les concepteurs, les constructeurs, mais aussi et surtout les mainteneurs, travaillent de concert pour élaborer des solutions optimales. On n’est pas enfermé dans un montant de construction fixé par le maître d’ouvrage public déconnecté des coûts de maintenance. Cela permet de décider, dès la conception, de « mettre le paquet » sur certains matériaux et techniques – chers à l’achat – mais qui permettent de s’y retrouver financièrement dans le temps. Ce raisonnement patrimonial a ainsi conduit le groupement GTM à produire 1/3 de l’eau chaude des douches en solaire et à opter à terme pour une chaudière à bois plutôt qu’au gaz. Le CP permet donc d’adopter une véritable attitude environnementale. C’est un outil d’avenir pour maîtriser les dépenses énergétiques.
A quelles difficultés avez-vous dû faire face en tant que chef de projet ?
La nécessité d’anticiper sur 30 ans… Cela m’a donné des sueurs froides, car il faut négocierles clauses pour déterminer qui, de l’Etat ou du titulaire, prendra en charge les éventuelles évolutions qui pourront avoir une incidence sur le contrat. C’est un exercice déstabilisant car nous ne sommes pas devins ! Heureusement, notre conseil juridique Norton Rose a introduit, pour les volets services et maintenance, des clauses de benchmark (3) et de markettest (4), permettant d’encadrer les clauses de rencontres prévues par le contrat, si nécessaire tous les 5 ou 7 ans. Autre difficulté : être suffisamment précis pour permettre aux candidats de cerner nos besoins, sans être trop restrictif pour autant. C’est une révolution culturelle pour l’acheteur public habitué à tout préciser en MOP.
Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?
Trois grandes leçons. Il ne faut pas sélectionner trop de candidats car, plus on avance dans la procédure, plus il est difficile de les écarter. Il faut, par ailleurs, une administration forte qui sait où elle va et qui est réactive. Cela pour mener des séances de dialogues thématiques en petit comité et non en séances plénières. Mais aussi pour avoir une idée très claire, dès le lancement de la procédure, des annexes au contrat qui vont constituer sa mise en œuvre sur le terrain ensuite (dans notre cas, plus de 3 000 pages sous 17 annexes). L’équipe doit être resserrée et capable de répondre rapidement aux candidats. Car leur implication est telle qu’elle n’est pas conciliable avec des tergiversations éventuelles de l’administration. Enfin, il faut anticiper en matière de clauses d’assurance en phase d’exploitation notamment. C’est un volet important des CP et l’administration n’a aucune compétence sur le sujet.
Le contrat est signé depuis le 22 décembre 2006. Où en est le projet aujourd’hui ?
Le permis de construire a été signé à la mi-juin. Les entreprises ont pris possession des lieux dans la foulée pour commencer la préparation du chantier. Les délais sont donc respectés. J’ai, en ce qui me concerne, laissé la main sur l’exécution du projet après la signature du contrat, fin décembre. C’est Perrine de Foucaud, au sein de l’Insep, qui suit la mise en œuvre opérationnelle du site. Thierry Maudet, le directeur de l’Insep, et Martine Gustin-Fall, la secrétaire générale, s’occupent de la mise en place des services. Dominique Laurent, directrice des Sports au ministère, à qui je référais en phases de dialogue, reste très vigilante.



