«80 % de l’empreinte du groupe relève de l’usage des équipements vendus», Louise Durand (Fayat)
En poste depuis 2022, la directrice décarbonation de Fayat livre en exclusivité pour Le Moniteur la feuille de route du groupe du BTP.
Propos recueillis par Charlotte Divet et Jérémy Bellanger
\ 11h40
Propos recueillis par Charlotte Divet et Jérémy Bellanger
Certaines divisions de Fayat s’imposaient déjà une trajectoire de décarbonation. Qu’est-ce qui vous a poussé à les fondre au sein d’une stratégie à l’échelle du groupe ?
Notre stratégie groupe, baptisée Fayat Now, a été amorcée fin 2022. Elle a émergé de plusieurs démarches de nos divisions qui, elles, existent depuis cinq à dix ans selon les métiers dont celles de Razel-Bec, Fayat Fondations, Dynapac ou Bomag. C’était une vraie attente de nos filiales que d’avoir une coordination, un langage commun et de partager ensemble les bonnes pratiques.
Comment s’articule l’initiative Fayat Now ?
Nous avons organisé notre stratégie autour de trois grands piliers. Le premier, et j’y tiens beaucoup, c’est l’action. Nous avons fait un état des lieux des actions qui existaient afin de les valoriser et de les faire connaître en interne pour investir les métiers dans notre démarche de décarbonation. Indispensables pour construire une stratégie efficace, la mesure, selon le GHG Protocol, et le pilotage constituent le deuxième volet. Enfin, la sensibilisation est notre troisième axe pour engager aussi bien nos équipes que nos partenaires.
Quels sont les principaux enseignements du bilan carbone que vous avez réalisés ?
Sans surprise, notre scope 3 (NDLR, les émissions indirectes) représente 98 % de notre empreinte carbone tandis que nos scopes 1 et 2 comptent pour 2 %. Dans nos métiers construction, le centre de gravité du scope 3 est plutôt sur ce que nous achetons, sauf pour notre division Energie & Services qui intègre aussi la consommation des produits vendus. Les émissions de gaz à effet de serre de notre division Matériel routier, soit 80 % de l’empreinte du groupe, correspondent à l’usage des équipements vendus. En résumé, l’essentiel de notre ambition va se jouer avec nos clients et fournisseurs.
Après le design-to-performance, nous travaillons à améliorer les matériels électriques vers un design-to-cost
L’expertise d’entreprise générale du bâtiment du groupe vous donne-t-elle un avantage dans la réduction de vos émissions de CO2 ?
Sur les métiers de la construction, comme nous avons la chance d’être partie prenante dès la conception de l’ouvrage, peu importe le projet, le gisement de réduction carbone est quand même plus important. Par exemple, en s’appuyant sur de la modélisation plus fine, notre division bâtiment peut analyser le comportement saisonnier et climatique des ouvrages qu’elle conçoit pour adapter ses choix en fonction de ces paramètres et ne pas dupliquer les mêmes types de bâtiments partout. C’est un atout pour sélectionner plus efficacement les matériaux, notamment isolants, et pour prendre en compte la consommation de l’ouvrage dans toute sa durée de vie.
Vous êtes-vous fixés des objectifs chiffrés de décarbonation en conséquence ?
Nous nous sommes fixés un cap de réduction de nos émissions carbone de moins 30 % en 2030 par rapport à notre première mesure effectuée à l’échelle du groupe en 2022.
Quels types d’actions ont donc été mises en place pour réduire vos émissions de GES ?
Pour vous citer quelques exemples, notre division Métal diminue ses émissions de GES notamment en réduisant les quantités d’acier nécessaire à la fabrication de charpentes métalliques par l’intégration d’outils de modélisation dès la conception. Fayat Fondations, on l’a vu notamment sur le Grand Paris, exploite, dès que possible, des matériels électriques branchés au réseau. Chez Razel-Bec, on installe des fermes solaires pour décarboner les chantiers en Afrique. Nous nous appuyons aussi sur la richesse d’avoir, au sein de Fayat, une diversité des métiers pour développer des synergies, mettre en place des groupes de travail composés de représentants des entités travaux et matériels (Razel-Bec, Bomag, Dynapac, etc.) afin d’avancer ensemble sur l’usage des matériels bas carbone sur les chantiers et initier des tests en conditions réelles.
À quelle échéance ces matériels alternatifs pourraient être massivement déployés sur les chantiers ?
Le développement technologique est en quelque sorte derrière nous puisque nous avons prouvé que nous savons concevoir des machines électriques sans compromis sur la performance. Maintenant, il reste à résoudre la question financière qui freine une adoption massive. Après le design to-performance, nous travaillons à améliorer les matériels vers un design-to-cost, à l’image de ce que nous avons fait sur les balayeuses Mathieu. Je pense que d’ici quelques années nous serons en mesure de proposer des machines routières électriques moins chères. Après, il faut garder en tête que l’électrification n’est pas le seul moyen de décarboner.
Pour votre division dédiée aux matériels routiers, quels sont les autres leviers à disposition ?
Notre démarche Fayat Now prouve bien que la décarbonation est vraiment l’affaire de tous. Et, pour réduire nos émissions carbones, tous les leviers sont activés. Pour rester sur les matériels routiers, les évolutions techniques nous ont en outre permis d’atteindre des gains de performances de 15 à 25 %. L’optimisation se traduit à l’arrivée par moins de consommation de combustibles fossiles.
Cette optimisation suppose-t-elle de s’appuyer davantage sur les outils numériques ?
Depuis un an et demi notre démarche conjugue électrification et digitalisation. Nous avons constitué un pool d’experts au niveau mondial qui sont chargés de mettre en commun les connaissances, les meilleures pratiques et qui se déplacent aussi dans nos différentes usines. Ils œuvrent pour une mutation technique et technologique avec des solutions qui vont dans le sens d’une meilleure performance. Au-delà du carbone, nous réfléchissons à la pérennité de l’activité industrielle dans des conditions climatiques qui
seront différentes demain et nous partageons et débattons de ces sujets dans le cadre de notre stratégie de décarbonation.
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvre