Produire du froid et de la chaleur pour les bâtiments de l’aéroport de Roissy-Charles- de-Gaulle dépasse les standards d’installations traditionnelles. Depuis quelques mois, l’unité opérationelle « énergie et logistique » d’ADP a réceptionné le chantier de l’extension d’un nouveau site, situé entre Roissy 1 et Roissy 2. Dans un premier bâtiment, six groupes de production d’eau glacée de 7 MW chacun, fonctionnant au R 134a, fluide frigorigène HFC, ont pris le relais d’une partie d’une précédente centrale, distante de 3 km. Elle comptait deux générateurs au R 12 (CFC) d’un total de 21 MW, désormais abandonnés. Ne subsistent, sur cette même installation, que deux machines au R 22, fluide HCFC (dont la maintenance est encore autorisée par la réglementation sur les fluides frigorigènes) d’un total de 14 MW. Les travaux se poursuivront en 2009 sur cette ancienne plate-forme par l’installation de deux groupes de 7 MW au R 134a pour remplacer les machines obsolètes au R 12. Et en 2011, les équipements au R 22 seront à leur tour remplacés par des machines du même gabarit : en Europe, la maintenance des équipements contenant des fluides HFC ne pourra se faire alors qu’avec des fluides frigorigènes recyclés, dont on prévoit qu’ils seront rares.
Dans un second ouvrage voisin de la nouvelle unité de production de froid, deux chaudières mixtes (voir encadré) Loos à brûleur Saackhe (15 MW fioul/19 MW gaz chacune) fournissent une partie de la chaleur nécessaire sur le site en complément des 45 MW d’une turbine de cogénération (40 MW électriques), de cinq chaudières à eau surchauffée – une de 21 MW, trois de 18 MW et une de 42 MW. Au total, le site aéroportuaire de Roissy dispose d’une puissance calorifique de 120 MW et d’une capacité de rafraîchissement de 55 MW. Une énergie qui est distribuée par 30 km de boucle de livraison d’eau glacée en diamètre de 600 à 700 mm, et quelque 50 km de distribution primaire d’eau surchauffée.
Une implantation optimisée
Cette dernière création, commandée par les équipes internes d’Aéroport de Paris, se démarque par sa conception rigoureuse. Ainsi, le local de production d’eau glacée pour les six groupes au R 134a est cloisonné en cinq grandes zones :
- La préparation des eaux pour les tours aéroréfrigérantes et pour la boucle primaire d’eau glacée.
- La salle des six groupes de froid de 7 MW chacun, des York installés par Eitem.
- La salle des pompes, placée derrière un mur pour éviter aux opérateurs dans cette partie du bâtiment d’être soumis aux nuisances sonores des compresseurs à vis.
- Un local électrique contigu.
- Sur la terrasse, un alignement de douze tours aéroréfrigérantes surdimensionnées, soit 2 fois 4,5 MW de dissipation pour chaque groupe frigorifique de manière à supporter de fortes pointes de consommations (bulbe humide fixé à 24 °C).
Comme souvent sur ce type d’installations, groupe d’eau glacée, pompes et tours aéroréfrigérantes sont maillés. Ce qui permet de poursuivre la production de froid en cas d’incident sur un équipement sans perturber le service. Sur cette boucle interne, l’eau est animée par des pompes Salmson de 45 kW d’un débit de 900 m3/h.
Cette nouvelle partie de l’installation de froid débite 1 000 m3/h d’eau par groupe ; soit 6 000 à 7 000 m3/h au total. Pour distribuer cette énergie sur le circuit de 30 km, l’installation est dotée de six pompes de 315 kW Salmson d’une hauteur manométrique de 55-60 m de colonne d’eau (au maximum 75 m CE). Ce pour maintenir une pression de 4 à 4,5 bar entre l’aller et le retour dans cette boucle primaire. Une contrainte technique doublement surveillée : les opérateurs de la gestion technique centralisée gèrent les vannes et l’électronique de variation de fréquence sur chaque pompe adapte les débits.
Gérer des sous-consommations et les pointes
Les « clients » de ces centrales frigorifiques sont les différents bâtiments du site de Roissy : aéroports et locaux tertiaires. Si les installations sont censées fournir une eau glacée à une température de 5 °C au départ et de 12 °C au retour, la réalité vient cependant contrarier ce régime d’eau théorique. En fait, les sites consommateurs de froid génèrent un faible écart de température mais demandent beaucoup de débit d’eau : le départ d’eau s’établit souvent à 6-6,5 °C, pour un retour à 10,5 °C, voire à 11 °C. Ce que l’implantation peut assurer, puisqu’elle est conçue pour un delta T minimal de 2 °C. Mais la fourniture de froid revient alors plus cher en pompage.
Par conséquent, si l’une des difficultés majeures de ce type d’installation reste l’étendue du réseau, la vérification du respect du contrat de fourniture de froid par le client devient une priorité de veille pour maintenir le rendement de l’installation. Avec un coefficient de performance des machines de l’ordre de 6 ; 6,5 ; voire de 7 pendant la plus grande partie de l’année – le Cop peut baisser en dessous de 6 certains jours d’été –, le rendement général de l’installation est estimé à 4 environ.
Tours aéroréfrigérantes : une hygiène de tous les instants
Comment gérer une douzaine de tours aéroréfrigérantes (TAR) ouvertes sur un site public et d’une consommation de 100 à 120 m3/hen été ? ADP (avec d’autres sites parisiens, comme Climespace ou Énertherm à La Défense à Paris), est expert dans ce domaine grâce à la création d’un club d’échange d’informations, Climafort. Cette collaboration a conduit ADP à opter pour le système de désinfection des eaux de refroidissement Biodes : basé sur l’injection d’hypochlorite produite in-situ à partir d’un stock de sel, il évite tout stockage de produits dangereux et permet un traitement en continu à faible coût. En outre, la conception des TAR ne lésine pas sur la qualité des matériaux : leur enveloppe est réalisée en inox 316, et leur base est équipée d’un bac de filtration qui limite la présence de polluants, sources de décomposition (végétaux, déchets…). Et pour parer tout risque vis-à-vis de la santé des riverains, les analyses de prélèvements d’eau sont réalisées à un rythme hebdomadaire au lieu du rythme mensuel imposé par la Drire. De plus, les échantillons prélevés sont soumis à trois modes d’analyse : une analyse biologique normalisée – obligatoire – ainsi qu’une analyse dite PCR, destinée à détecter, souvent plus rapidement que par la méthode biologique, la présence de l’ADN de légionelles, et une mesure dite ATP qui quantifie les concentrations de l’ensemble de la flore. Ces précautions ont jusqu’à présent toujours montré des résultats négatifs, les niveaux restant parfois même indétectables.





