Les paysagistes-conseils de l’État n’ont pas choisi par hasard le site de leur séminaire annuel de juin 2015*. Ils ont repéré l’agglomération rennaise comme un modèle de développement fondé sur une maîtrise publique de l’aménagement urbain. La conservation des espaces naturels et agricoles ne l’a pas empêchée de devenir l’une des agglomérations de France les plus attractives, avec une arrivée estimée de 8 600 nouveaux habitants par an dans l’aire urbaine pour les dix prochaines années. Dès le tournant de l’après-guerre, les élus ont opté pour une politique volontariste basée sur plusieurs axes : l’anticipation du processus urbain, le développement de la solidarité et de la mixité sociale jusque dans le cœur de la ville, la participation et l’écoute des citoyens pour mieux s’adapter à leurs attentes, la prise en compte des interactions entre territoires urbains, espaces naturels et espaces agricoles. Elle s’est d’abord appuyée sur une stratégie d’acquisition foncière unique en son genre, avec l’achat de près de 30 % de la superficie communale entre 1953 et 1977 (environ 1 700 ha). Un atout indéniable pour construire des espaces urbains répondant aux besoins en matière de logements et d’emplois, tout en conservant un principe de mixité sociale.
Le Rheu montre l’exemple
Portées par une volonté de poursuivre dans cette direction avec une démarche solidaire, 27 communes se sont regroupées au sein du district de l’agglomération rennaise pour créer, le 9 juillet 1970, l’une des toutes premières intercommunalités de France à percevoir la taxe professionnelle, la ville-centre de Rennes constituant le principal financeur de cette taxe avec seulement 40 % des élus. Cette agglomération dispose de compétences en matière de gestion des services de logement, d’étude d’urbanisme et d’aménagement, de constitution des réserves foncières et de réalisation des zones industrielles (ZI) et d’aménagement concerté (ZAC). Si certains chantiers d’aménagement urbain des années 1960 ont été conçus sur le principe de la tabula rasa, sans trop d’égards pour le patrimoine naturel présent, Ronan Désormeaux, paysagiste rennais, souligne qu’à cette même époque, on assiste aussi à l’émergence d’un urbanisme novateur dans le secteur, avec l’exemple de la ville du Rheu. Pensée par l’urbaniste Gaston Bardet comme une cité-jardin, elle conserve sa trame bocagère, complétée par de nouvelles coulées vertes qui offrent un maillage végétal sur tout le territoire, du centre aux quartiers périphériques. Cette approche fera des émules dans d’autres communes de l’agglomération et confortera les élus dans leur volonté de faire évoluer le schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de 1973 qui propose un développement urbain quasi continu. Le nouveau schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme (Sdau) adopté en 1983, associé à un « Sdau vert », intègre la prise en compte des paysages et des milieux naturels sur la base d’un vaste travail d’inventaire et de cartographie des richesses du territoire. Le concept de ville-archipel est né : afin de préserver les espaces naturels et agricoles, le développement urbain reste concentré dans les pôles déjà construits. « Le rapport ville/campagne ne se définit plus en termes d’opposition, mais dans un rapport de dialogue, de complémentarité et d’équilibre », précise Ronan Désormeaux. En 2000, la communauté d’agglomération de Rennes Métropole succède au district, et la réflexion sur le territoire s’élargit au pays de Rennes, avec l’élaboration du premier schéma de cohérence territorial (Scot), adopté en 2007. Il s’appuie sur les réflexions menées depuis plusieurs années, mais aussi sur les nouveaux défis environnementaux actuels et la nécessité de prendre mieux en compte la « nature ordinaire ». Devançant le Grenelle de l’environnement de quelques années, ce Scot garantit le « capital environnement » du territoire en posant les bases de la trame verte et bleue. Celle-ci s’appuie non seulement sur la préservation des vallées, des massifs boisés et des paysages remarquables, mais aussi sur la constitution de continuités écologiques et le développement d’une urbanisation économe en espace, en eau et en énergie. Cette approche préside à l’une des plus vastes opérations d’urbanisation de l’agglomération rennaise, la ZAC de La Courrouze, à cheval sur les communes de Rennes et de Saint-Jacques-de-la-Lande. Conçu par les urbanistes Bernardo Secchi et Paola Viganò (grand prix de l’Urbanisme en 2013), associés au paysagiste Charles Dard, ce projet a reçu en 2011 le titre « Nature en ville » du palmarès Écoquartier du ministère de l’Écologie, avant d’être retenu en 2013 pour participer au label national. Cet élan s’est confirmé en 2015 avec la création de la métropole et l’approbation du second Scot.
* « Rennes - Paysages d’une métropole », actes du séminaire des paysagistes-conseils de l’État du 11 au 14 juin 2015, à paraître au printemps 2016.



