Le ministre des Transport, Jean-Claude Gayssot, a dévoilé le 23 septembre, la palette de mesures qui accompagnent le feu vert qu'il a accordé à Aéroports de Paris pour la construction des deux pistes supplémentaires. Sur ce dossier, le réalisme du nouveau ministre l'a emporté sur les préoccupations de l'ancien maire de Drancy.
En effet, d'une part l'Etat, actionnaire d'Air France - qui ne pourra plus être recapitalisée et qui a fait de Roissy son « hub » - pouvait difficilement refuser de donner à sa compagnie nationale « les moyens de son développement » face à une concurrence qui sera totale dès janvier prochain.
D'autre part, le ministre ne pouvait pas revenir sur l'argumentation de l'établissement public Aéroports de Paris, qui a toujours fait « des réserves foncières de Roissy/Charles-de-Gaulle », un argument essentiel de sa compétitivité face aux concurrents saturés et sans possibilités d'extension de ses deux plus grands rivaux : Londres et de Francfort.
Enfin, l'emploi a également été un élément de poids dans l'annonce au motif que « un million de passagers supplémentaires correspond à la création de 1 000 emplois ».
Un développement très encadré
Les travaux, pilotés par Bouygues - à qui ADP versait 15 millions de francs par mois suite à l'arrêt du chantier - vont donc reprendre rapidement et la longueur des pistes sera conforme à celle indiquée dans la DUP (déclaration d'utilité publique).
Mais « il s'agit là d'une limite ultime. En clair, c'est la dernière extension de la plate-forme et pas question que le Bourget lui serve de cinquième piste », explique Jean-Claude Gayssot.
De plus, ce feu vert fait l'objet d'un plan d'accompagnement drastique, en quatre volets.
Côté fiscalité : la création d'un « fonds local de répartition » sur l'ensemble des communes soumises aux nuisances de l'aéroport, alimenté par la taxe professionnelle, voire la taxe foncière et des contributions volontaires, va être mise à l'étude. « Ce fonds ne saurait être inférieur à 50 millions de francs au démarrage », selon le ministre.
Cette initiative s'articule avec la remise, à la fin octobre, du rapport Lachenaud. Un projet de loi instaurant ce fonds serait présenté à la session d'automne 1998 du Parlement.
Certaines communes, comme Tremblay, ayant bâti leurs budgets sur la manne de la TP (700 millions de francs estimés pour 1997) il convient de ne pas les déstabiliser.
Côté emplois : aujourd'hui seulement 16 % des emplois de Roissy concernent le Val d'Oise, une proportion qui devra progresser. Un « observatoire de l'emploi » va donc être créé - peut-être sous forme de Groupement d'intérêt public (GIP) - qui sera chargé d'étudier les retombées du projet, tant sur les PME locales que sur l'emploi des jeunes dans les zones concernées par l'extension.
La desserte du site de Roissy devra être améliorée
En matière d'infrastructures routières, la construction du BIP (boulevard intercommunal du Parisis) serait engagée en 1998 ou 1999 à l'ouest, et la création d'une quatrième voie sur l'A1 inscrite en priorité au prochain contrat de plan Etat-région. Roissy Express, le projet de liaison routière à péage porté par la CCI de Paris, serait soutenu par le ministère dans le cas d'une extension du parc des expositions de Villepinte. De plus, les études vont être engagées pour la section A16-Francilienne, mais l'A16, a confirmé le ministre « ne traversera pas la Seine-Saint-Denis ».
Les transports collectifs ne sont pas oubliés. Outre le projet Centaure (navettes de minibus desservant l'aéroport 24 h sur 24), le ministère a demandé à la SNCF d'accélérer la réalisation du RER Cergy-Roissy avec étude du réaménagement du « noeud ferroviaire d'Ermont ». Enfin, des études vont être engagées pour la création de « nouveaux services de transports », ainsi que pour la desserte Est du site.
Réduction des nuisances : il s'agit, cette fois, d'inciter les compagnies aériennes, Air France et l'Aéropostale en tête, à anticiper l'interdiction des avions de classe 2 et des avions munis d'atténuateurs de bruits (dits HSP). Ceux-ci seront interdits de vols d'ici à 2002. Pour l'heure, ils ne sont interdits que de vols la nuit. Même chose pour les « essais de moteur » (200 en 1996) qui seront interdits dès janvier prochain entre 23 h et 6 h du matin et qu'aucune dérogation ne sera accordée pour la tranche 23 h/ 05 heures.
L'aide aux riverains : la taxe bruit, actuellement versée par les compagnies aériennes à un Fonds géré par l'Ademe (25 millions annuels), sera augmentée de 20 % environ dans le projet de loi de finances, et modulée en fonction du degré de nuisance sonore des avions. Elle finance les aides aux travaux d'insonorisation des particuliers. Parallèlement, le périmètre de protection des zones habitées couvertes par ce fonds va être étendu, cependant qu'un nouveau plan d'exposition au bruit sera proposé à la concertation dès 1998.
Ce fonds ne subventionne que 80 % maximum du montant des travaux - sur constructions antérieures à 1974. « Nous allons faire en sorte que le fonds prenne en charge 100 % des travaux pour les ménages à faible revenu. De plus, dès 1998, nous allons rendre l'hôpital de Gonnesse éligible à ce fonds », annonce le ministère des Transports.
Dernier aspect, le contrôle et les sanctions : aujourd'hui, si une caravelle décolle ou atterrit dans le créneau d'interdiction, il lui en coûte une amende de 250 francs ! Peu dissuasif. Les amendes vont être portées à des maxima de : 10 000 francs (pour une personne physique, un pilote) à 50 000 francs (pour une personne morale, une compagnie aérienne). Le suivi et le contrôle des engagements pris se feront à deux niveaux. Tout ce qui relève du ministère des Transports sera contrôlé par les élus, les associations de riverains, etc. Ils devront être informés régulièrement, via des forums et les publications de l'Observatoire de l'emploi.
Pour le contrôle des nuisances et les sanctions, il est prévu la création par la loi d'une institution indépendante (différente de celle prévue par la DUP, qui dépendait du ministère lui-même). Là encore, une loi sera nécessaire, tant pour sa création que pour lui assurer financement et autonomie. Elle sera chargée de mettre au point l'unité et les modalités de mesure des nuisances et une fois l'étalonnage réalisé, de gérer leur contrôle et le respect des engagements des uns et des autres.
PHOTO : D'importants travaux sont déjà en cours sur l'aéroport de Roissy : les voies de circulation pour avions (en cours de finition) à l'approche des DGV (dégagements à grande vitesse) de la piste 2 et plusieurs extensions d'aires de stationnement des avions à proximité des terminaux 2B,2 F et T9. S'y ajoute le chantier de la nouvelle aérogare 2F et ses deux « péninsules » de verre. Par ailleurs, l'extension de la piste 2 est achevée.
PHOTO : La capacité de l'aéroport de Roissy sera limitée à 55 millions de passagers par an. « Il s'agit d'une limite ultime. En clair c'est la dernière extension de la plate-forme », explique le ministre des Transports.