Droit d'auteur : les prérogatives de l'architecte et ses limites
L'architecte qui a conçu une école peut-il s'opposer à son extension ?
Le droit moral de l'architecte sur son oeuvre doit être concilié avec le droit de propriété du maître d'ouvrage et le caractère impératif des règles d'urbanisme. Lorsque l'édifice a une vocation utilitaire, la jurisprudence tente de rechercher un compromis entre la protection de l'oeuvre et la nécessité de l'adapter à des besoins spécifiques. L'arrêt « Bull » (Cass. 1re civ., 7 janvier 1992, n° 90-17534) a énoncé que « la vocation utilitaire du bâtiment commandé à un architecte interdit à celui-ci de prétendre imposer une intangibilité absolue de son oeuvre ». La décision « Brit Air » (Cass. 1re civ., 11 juin 2009, n° 08-14138) est venue préciser « qu'il importe néanmoins, pour préserver l'équilibre entre les prérogatives de l'auteur et celles du propriétaire, que ces modifications n'excèdent pas ce qui est strictement nécessaire et ne soient pas disproportionnées au but poursuivi ». La jurisprudence administrative n'admet quant à elle « des modifications à l'ouvrage que dans la seule mesure où celles-ci sont rendues strictement indispensables par des impératifs esthétiques, techniques ou de sécurité publique, légitimés par les nécessités du service public » (CE, 11 septembre 2006, n° 265174). Cet arrêt procède toutefois à un renversement de la charge de la preuve. C'est à la commune d'établir que la dénaturation ainsi apportée à l'oeuvre de l'architecte est strictement indispensable par les impératifs dont elle se prévaut.
Question écrite n° 01025, réponse à Jean-Louis Masson (Moselle, NI), JO Sénat du 26 octobre 2017.
Aménagement : le drive, activité commerciale ou de services
Les « drives » de la restauration rapide sont-ils soumis à autorisation d'exploitation commerciale ?
Non. L'activité de restauration (rapide ou non) n'entre pas, sauf exception, dans le champ d'application de l'aménagement commercial, ni dans les secteurs d'activités visés à l'article L. 752-1 du Code de commerce. Elle est généralement considérée comme une activité de services et non pas comme une activité commerciale. Or, seul le commerce de détail est concerné par la législation relative à l'aménagement commercial. Concernant les points permanents de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile [autrement dit, les « drives »], « l'autorisation est accordée par piste de ravitaillement et par mètre carré d'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées au retrait des marchandises » : les drives de la restauration rapide ne répondent pas à ces critères de définition, cumulatifs, fixés à l'article L. 752-16 du code. Enfin, le législateur, dans le cadre de la loi Alur du 24 mars 2014, a clairement motivé l'élargissement du champ de l'aménagement commercial à l'activité de drive, développée par les grandes enseignes alimentaires, par des considérations liées, les unes, à « la planification territoriale de l'urbanisme », les autres à une certaine équité commerciale, compte tenu de la concurrence que représente, pour les commerces de détail « classiques », cette activité, « au carrefour entre le "e-commerce" et la grande surface ».
Question écrite n° 980, réponse à André Chassaigne (GDR, Puy-de-Dôme), JOAN du 31 octobre 2017.
Concessions : définir l'intérêt transfrontalier
Comment se caractérise « l'intérêt transfrontalier certain », qui déclenche l'assujettissement d'un contrat aux règles générales de l'UE ?
En vertu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE (arrêt « Telaustria » du 7 décembre 2000, aff. C-324/98), si un marché d'une valeur inférieure au seuil d'application des directives de l'Union présente un intérêt transfrontalier certain, son attribution, en l'absence de toute transparence, à une entreprise située dans l'Etat membre du pouvoir adjudicateur constitue une discrimination au détriment des entreprises situées dans un autre Etat membre. Cette jurisprudence s'applique aussi aux concessions d'aménagement lorsqu'elles sont susceptibles d'intéresser une entreprise située sur le territoire d'un autre Etat membre. L'existence d'un « intérêt transfrontalier certain » doit s'apprécier au regard d'un ensemble de critères : objet ou caractéristiques techniques de la concession, son montant, spécificités du secteur ou lieu géographique d'exécution. Une concession de faible valeur peut avoir un tel intérêt lorsqu'elle concerne un territoire situé à la frontière de deux Etats membres. En outre, la CJUE admet, sans que cette circonstance suffise à elle seule, que l'existence de plaintes introduites par des opérateurs économiques situés dans d'autres Etats membres puisse être prise en compte pour établir l'existence d'un intérêt transfrontalier certain, à condition que ces plaintes soient réelles et non fictives.
Question écrite n° 01535, réponse à Jean-Louis Masson (Moselle-NI), JO Sénat du 9 novembre 2017.