« Si l'on veut réussir dans cette mission, il faut aimer les gens, les écouter pour mieux les comprendre. » Dans son bureau, au coeur du quartier de la Pierre-Collinet, Robert Renard parlerait des heures du quartier qui s'étend sous ses fenêtres. Cet ancien percepteur reconverti dans les collectivités locales, puis dans la gestion de l'office, connaît par coeur le patrimoine qu'il a en charge. « Finalement, ici, les gens nous demandent tellement peu que nous nous devons de leur apporter au moins ce qu'ils réclament. » Le doigt pointé sur le plan de la ville, il décrit les 22 hectares de Beauval et de la Pierre-Collinet. Un coin de campagne périphérique dans les années cinquante, dans une boucle de la Marne, devenu un repère de misère. « Il faut se promener dans les coursives, témoigne Patrice Lequeux, responsable des services techniques à l'Opac : pas une porte, pas un mur ou un ascenseur qui ne portent des traces de tagg ou d'incendie. » Dans certaines barres, le taux de chômage est de 40 %.
Pourtant, Robert Renard souligne que ce vaste ensemble urbain connaît ses disparités : des petits immeubles ou d'anciens locataires vivent « comme avant ». Pour le reste du parc, c'est-à-dire les 2 000 logements difficiles, la vie de l'Opac est rythmée par 150 incendies annuels, des milliers de fuites d'eau, des squats et les plaintes des locataires qui ne dorment plus. Dans ces ensembles aux noms de châteaux de la Loire ou de fleurs, 50 % de la population est d'origine étrangère avec des taux de vacance de 40 % et des millions de francs de loyers impayés. « Aux termes du GPU signé en février 1998, une somme de 167 millions de francs devrait permettre de ramener les deux quartiers à une certaine normalité, précise Philippe Leterme, directeur de l'urbanisme de Meaux. Il va falloir retravailler la fusion entre la vieille ville et ces deux quartiers, déplacer le centre de gravité de l'ensemble. » Ce travail va passer par la démolition de deux blocs : la barre Capucines de 260 logements sur 10 étages à la Pierre-Collinet, et le tripode Chenonceau à Beauval. Deux immeubles qui n'offrent aucune possibilité de restructuration. Cette aération permettra d'agir sur l'implantation d'équipements publics : le déplacement du collège Henri-Dunant (un « Pailleron » à démolir) participe de cet effort.
« Résidentialisation » des espaces extérieurs
Pour le reste, les travaux porteront sur l'éclairage public, la « résidentialisation » des espaces extérieurs et sur la réhabilitation de 1 500 logements dans les cinq ans à venir. Le Cheverny (240 appartements), un autre tripode de Beauval, profitera d'un traitement spécial avec 150 000 francs par logement. Avant d'entreprendre ce chantier, Robert Renard confie qu'il ignore ce qui doit être fait : « Si l'on veut réussir, il faut nécessairement impliquer les locataires. Nous allons passer un marché de définition avec les architectes. »
Depuis 1978, les quartiers de Beauval et Pierre-Collinet ont connu à peu près toutes les formules successives de réhabilitation. Il est temps de rompre avec la spirale de l'effondrement : la vacance coûte 30 millions par an à l'Opac. Une des hypothèses de sauvetage : la « discrimination positive », explique Philippe Leterme. Apporter un peu de richesse ; favoriser le retour des ménages aux petits ou moyens revenus... La zone franche urbaine s'y emploie pour ce qui concerne la petite activité artisanale et commerciale maintenue tant bien que mal. Là encore, l'Opac a joué le jeu en créant un petit « hôtel d'entreprises ».
PAHOTO : Vue sur le quartier de la Pierre-Collinet, dans lequel on prévoit la démolition de la barre Capucines, soit 260 logements sur 10 étages.