Au Muy, le chantier de la villa et galerie d’art du collectionneur Enrico Navarra s’achève discrètement. Cette réalisation hors normes, qui sera dévoilée en mai, a été imaginée et calculée par l’architecte Rudy Ricciotti et l’ingénieur Romain Fabio Ricciotti. Sa longue couverture sombre (40 m), aux allures d’avion furtif, constitue une première mondiale : elle est réalisée par l’assemblage sur site de 17 éléments en Ductal, le béton fibré à ultra-hautes performances (BFUP) développé par Lafarge et Rhodia, de 9,19 m de long pour 2,40 m de large et de 3 t chacun, formant un spectaculaire auvent en porte-à-faux sur 7,85 m et avec 3 cm d’épaisseur en nez de dalle.
Long rectangle d’un seul niveau. Par ses prouesses, le matériau permet « d’effacer et de rendre la plus abstraite possible » la construction dans le paysage : un long rectangle d’un seul niveau, adossé à la pente, à la façade et aux pignons entièrement vitrés.
Chaque élément de toiture est formé d’une « table » en Ductal teinté de 35 mm d’épaisseur, bordée sur ses rives par une nervure galbée de hauteur variable, destinée à reprendre les efforts de flexion. « Il n’y a aucune précontrainte, précise Mouloud Behloul, ingénieur, directeur développement Ductal chez Lafarge. La structure est optimisée à la flexion : la matière est là où il faut. » « Le matériau, tel qu’utilisé sur ce projet, raconte ses propres performances dans une véritable chorégraphie des efforts », précise encore Rudy Ricciotti. Au montage, chaque panneau est manutentionné à l’aide d’une petite grue. Posé sur étais, il est ancré par une tige filetée et des boulons dans le voile arrière en béton de la villa et repose, via un appui néoprène, sur un voile intermédiaire à 1,50 m du premier. Solidarisés en tête par tenon et mortaise, les panneaux reçoivent un joint souple entre nervures, puis une passe de Ductal coulée en place pour une étanchéité parfaite.
« Le plus schizophrénique, souligne Rudy Ricciotti, est de mettre ici en œuvre une très haute technologie, qui associe l’industrie aéronautique pour les moules en acier, des méthodes de coulage très précises pour guider les fibres métalliques dans le sens structurel voulu, et au bout du compte une mise en œuvre qui conserve la compétence des gestes artisanaux. » En cela, les BFUP constituent selon lui « une nouvelle épopée de la matière ». Il s’apprête à en écrire un prochain épisode près de Montpellier, avec la passerelle du Pont-du-Diable, dans les gorges de l’Hérault, dont le chantier commence.




