Les pièges de la rénovation

Performance énergétique -

Diminuer la consommation énergétique d’un bâtiment ne doit pas se faire au détriment du confort, de la qualité architecturale et de la sécurité.

Réservé aux abonnés

Qualifiée de « priorité absolue » par le Premier ministre lors de la Conférence environnementale qui s’est tenue le mois dernier à Paris, la rénovation énergétique des logements est un dossier pour le moins épineux. Sur le plan budgétaire bien entendu, compte tenu de l’objectif du gouvernement (500 000 rénovations par an), mais aussi sur le plan technique. « La rénovation n’est pas si différente des travaux neufs, mais c’est plus difficile et en tout cas plus risqué », résume Julien Rivat, architecte à Saint-Etienne (Loire). Et de citer le chantier de sa nouvelle agence, installée dans un ancien bâtiment de Manufrance considéré comme une épave thermique (« Le Moniteur » n° 5665 du 22 juin 2012). « Classées, les façades ne pouvaient être isolées par l’extérieur, solution performante que nous aurions privilégiée en d’autres circonstances. Si bien que nous avons surisolé l’intérieur, en prenant le risque d’atteindre le point de rosée sur la face interne des murs et non à l’intérieur. » Une lame d’air ventilée a éloigné le spectre des pathologies liées à la condensation et au gel, mais l’anecdote illustre bien la nécessité d’identifier les chausse-trapes qui peuvent se cacher dans toute opération de rénovation énergétique.

Du point de vue de l’ingénieur thermicien, l’un des pièges les plus fréquemment cités réside dans les différences d’approche au sein de la maîtrise d’œuvre. « Toute rénovation est associée à des objectifs de performances et de confort hygrothermique, mais les architectes ne sont pas toujours prêts à faire les concessions qui en découlent, comme ménager un espace suffisant pour les équipements techniques », pointe Benjamin Cuny, du bureau d’études Espace Temps. Pierre Hérant, chef du service Bâtiment de l’Ademe, insiste aussi sur l’intelligence commune qu’il faut déployer sur les projets de rénovation pour réaliser les adaptations en évitant les pathologies. Une bonne partie d’entre elles est d’ailleurs liée à la méconnaissance et à la fragilité des matériaux anciens. Julien Rivat mentionne le retrait ou la dilatation de portes et de parquets anciens ayant souffert d’un changement brutal de conditions hygrométriques. Des phénomènes mécaniques qui peuvent en effet se produire après l’installation d’une VMC double flux, qui tend à assécher l’air intérieur, à moins d’être associée à un échangeur qui récupère aussi l’humidité sur l’air repris (enthalpique), ou suite à des travaux d’étanchéité à l’air favorisant à l’inverse la rétention d’eau.

Nécessité d’une vision globale

« Concernant l’étanchéité, nous avons eu le cas d’un logement dont le poêle à bois d’origine ne pouvait plus fonctionner faute d’air pour l’alimenter », raconte Martin Guer, chef de projet à l’Agence qualité construction (AQC). La seule solution, absurde en l’occurrence, a été de trouer l’enveloppe… Un retour d’expérience qui prouve l’importance d’une vision globale sur ce type de projets.

« Souvent, pour des raisons budgétaires, les particuliers n’isolent qu’après avoir changé les équipements, lesquels restent aussi puissants et se retrouvent surdimensionnés et peu efficaces après isolation », constate ainsi Frédéric Henry, responsable prévention à l’AQC. « Pour obtenir des résultats, les travaux doivent être cohérents et effectués dans le bon ordre », insiste aussi Pierre Hérant. Trop souvent également, l’isolation s’accompagne pour les occupants de la découverte de nuisances acoustiques qu’ils ne percevaient pas auparavant. « Quand on n’entend plus le bruit de la rue, on entend d’autant mieux celui des voisins », explique Frédéric Henry. Il faut là aussi apporter de la cohérence à la rénovation et prendre en compte l’isolation thermoacoustique intérieure si nécessaire. Des travaux moins chers, plus rapides, plus précis ? C’est souhaitable et c’est possible, affirme Pierre Hérant, grâce notamment à « l’industrialisation des travaux de substitution-réhabilitation. C’est dans cette direction qu’il faut se diriger ! »

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires