Réception tacite : l'absence de « volonté non équivoque de recevoir les travaux » empêche de mobiliser la décennale
Un maître d'ouvrage commande des travaux de confortement de sa maison au moyen de micropieux. Ces travaux ne sont cependant pas achevés par l'entreprise. Le maître d'ouvrage assigne alors son cocontractant et l'assureur de responsabilité décennale de ce dernier.
La responsabilité décennale pouvait-elle être mobilisée ?
Non. La Cour de cassation constate que, dès l'origine des travaux de confortement, le maître d'ouvrage
en avait contesté la qualité, illustrant ainsi son absence manifeste de volonté non équivoque de recevoir les travaux. Cette décision réaffirme la nouvelle jurisprudence de la Cour sur l'appréciation de la réception tacite,
qui est présumée (Cass. 3e civ., 13 juillet 2016, n° 15-17208 ; Cass. 3e civ., 20 avril 2017, n° 16-10486) sauf si des circonstances particulières (réserves, contestations, etc.) caractérisent suffisamment la volonté du maître d'ouvrage de ne pas accepter les travaux. En conséquence, la garantie décennale ne pouvait être appliquée
ni la garantie de l'assureur mobilisée.
Cass. 3e civ., 14 décembre 2017, n° 16-24752.
Devoir de conseil : la responsabilité contractuelle s'applique pour les dommages mineurs après réception
Un syndicat de copropriété engage des travaux de ravalement de façades. Postérieurement à la réception, des microfissures et des fissures étant apparues, il assigne les intervenants, après expertise, afin d'obtenir indemnisation. Ses demandes sont rejetées, tant sur le fondement de la garantie décennale que sur celui de la responsabilité contractuelle des constructeurs.
La responsabilité de droit commun du constructeur pouvait-elle s'appliquer ?
Oui. Si la garantie décennale ne pouvait être recherchée pour ces dommages mineurs et d'ordre purement esthétique, la Cour de cassation censure les juges du fond pour avoir écarté la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre et de l'entreprise. Cette dernière, en particulier, en sa qualité de professionnel, aurait dû signaler à l'architecte que l'emploi d'un enduit de plâtre au lieu d'un mortier plâtre-chaux était inadapté au support de la façade ravalée. Elle était tenue d'un devoir de conseil. Les deux intervenants engagent donc, à l'égard du maître d'ouvrage, leur responsabilité contractuelle de droit commun sur le fondement de l'article 1147, devenu 1231-1 du Code civil, pour ces dommages dits « intermédiaires ».
Cass. 3e civ., 30 novembre 2017, n° 16-24298.
Déchets de chantier : la garantie décennale s'applique pour un dommage imputable à un champignon
Un particulier vend une maison qu'il a rénovée lui-même en procédant à la transformation d'une grange en cuisine. Les déchets de bois de déconstruction sont déposés dans le vide sanitaire, sous une bâche. L'humidité aidant, la mérule s'installe et se propage. Après la vente du bien, l'acquéreur constate que l'ouvrage est impropre à sa destination, en raison de la prolifération du champignon.
L'acquéreur pouvait-il rechercher la garantie décennale du vendeur ?
Oui. Le vendeur, en sa qualité de constructeur (article 1792-1 du Code civil), peut voir sa responsabilité recherchée sur le fondement de la garantie décennale lorsqu'il a exécuté des travaux, avant la vente. Sa responsabilité est retenue car
il ressortait que le facteur principal de développement de la mérule était l'abandon de déchets en bois provenant de la déconstruction de la grange dans le vide sanitaire sous la cuisine. Cette imprudence constituait le fait générateur des désordres imputables au champignon, qui rendaient l'immeuble impropre à sa destination. Cette décision surprenante considère que l'ouvrage couvert par la décennale s'étend jusqu'aux déchets de chantier.