Dossier

Jurisprudence marchés privés du magazine le Moniteur du BTP n° 5927

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Garantie décennale : la réception tacite est admise en vertu d'un faisceau d'indices

Un maître d'ouvrage entreprend des travaux de restructuration de son appartement. Avant l'achèvement des travaux, il résilie amiablement les contrats des entreprises et du maître d'oeuvre, règle les travaux réalisés et emménage dans les lieux. Six ans après, il assigne les constructeurs sur le fondement de la garantie décennale. Ceux-ci lui opposent l'absence de réception des travaux, puisqu'il a mis fin unilatéralement aux travaux, puis a décidé de vivre dans le chantier inachevé et dangereux sans aval de l'architecte.

Y a-t-il eu réception, même tacite, des travaux ?

Oui. La Cour de cassation observe que le maître d'ouvrage avait pris possession de son appartement avant l'achèvement des travaux et qu'à ce moment, il avait payé le montant des travaux déjà réalisés, ce qui laissait présumer sa volonté non équivoque de recevoir l'ouvrage. La réception de l'ouvrage peut intervenir même si les travaux ne sont pas achevés, pour autant que l'ouvrage soit en état d'être habitable (Cass. 3e civ., 2 février 2017, n° 16-11677). En l'espèce, la Cour considère que les conditions d'une réception tacite étaient donc remplies.

Cass. 3e civ., 18 mai 2017, n° 16-11260

Cautionnement : la garantie de paiement peut être demandée même après résiliation du marché

Un maître d'ouvrage passe un marché de gros oeuvre. Avant l'achèvement des travaux, il résilie le contrat aux torts de l'entreprise. Un solde de prix reste à payer. Le constructeur met en demeure le maître d'ouvrage de lui fournir une caution bancaire garantissant le paiement de ses travaux, puis saisit le juge des référés à cette même fin.

Le juge pouvait-il, pour rejeter cette demande de garantie, considérer qu'elle était tardive ?

Non. La garantie de paiement de l'article 1799-1 du Code civil peut être sollicitée à tout moment, dès lors que le montant des travaux n'a pas été intégralement réglé. Le maître d'ouvrage doit en effet – et c'est un dispositif d'ordre public – fournir spontanément un cautionnement solidaire consenti par un établissement de crédit au profit de l'entrepreneur. Et l'exécution de cette obligation peut être réclamée à tout stade d'avancement du chantier, même après résiliation du contrat. De sorte qu'ici, l'obligation n'était pas sérieusement contestable, au sens de l'article 809 du Code de procédure civile. Le défaut de fourniture par le maître d'ouvrage du cautionnement bancaire constitue donc un trouble manifestement illicite, qu'il appartient au juge des référés de faire cesser.

Cass. 3e civ., 18 mai 2017, n° 16-16795

Dommages ouvrage : le fondement du recours contre le sous-traitant doit être étudié avec soin

Un maître d'ouvrage souscrit une police d'assurance dommages ouvrage (DO) pour la réalisation d'un immeuble destiné à la vente par lots. Le lot étanchéité toiture est confié à un sous-traitant de l'entreprise principale. Après réception, des infiltrations provenant de la toiture-terrasse sont constatées. L'assureur DO indemnise le syndicat des copropriétaires et exerce un recours en paiement contre le sous-traitant. Les juges du fond retiennent la responsabilité de ce dernier au même titre que celle de l'entreprise principale, et le condamnent à honorer le recours subrogatoire de l'assureur DO.

Le juge pouvait-il ainsi retenir la responsabilité du sous-traitant ?

Non. L'assureur DO, subrogé dans les droits du maître d'ouvrage, ne pouvait rechercher la responsabilité de la société sous-traitante que sur le fondement de sa responsabilité délictuelle. Il devait donc établir une faute de sa part dans l'exécution de son marché, l'existence d'un lien de causalité entre cette faute éventuelle et le préjudice subi par le maître d'ouvrage, par application de l'article 1382 (devenu 1240) du Code civil. L'assureur ne pouvait donc fonder son recours, à l'encontre du sous-traitant, sur le fondement de la présomption de responsabilité, puisque ce constructeur n'y est pas assujetti.

Cass. 3e civ., 27 avril 2017, n° 16-10691

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